« Jeunes filles en uniforme »
Ce n’était pas sans appréhension que j’allais voir ce « remake » de Jeunes filles en uniforme. Il est périlleux de s’attaquer à certains souvenirs. On ne doit pas réveiller les fantômes. Or, malgré les années écoulées, la fantôme de la petite Manuela gardait une place dans nos mémoires. Et, si même nous avions oublié son visage, l’écho de ce nom hurlé dans une cage d’escalier et que nous entendions encore « Manuela ! Manuela ! », suffisait à nous la rendre présente. Etait-il bien nécessaire alors de donner une réplique au film de Léontine Sagan, un de nos seuls bons souvenirs du cinéma allemand d’avant guerre ? N’y avait-il pas même une certaine inconvenance à le faire ? Je me posais ces questions et je me sentais sans indulgence.
Il se peut que cette sincérité préalable ait finalement joué en faveur du film. Quoi qu’il en soit, j’ai plaisir à reconnaître que cette nouvelle version de « Jeunes filles en uniforme », mise en scène par Geza Radvanyi, m’a paru fort honorable. Il n’est pas question, bien sûr, de comparer le second film au premie, trop d’éléments sentimentaux risquant d’intervenir dans notre jugement (et d’ailleurs que penserions-nous aujourd’hui du film de Léontine Sagan ?), mais simplement de constater que, sous sa forme actuelle, malgré les couleurs pimpantes qui l’habillent, malgré de nombreuses concessions aux goûts du public, malgré la disparition dans le film de Geza Radvanyi de ce je ne sais quoi de trouble et d’équivoque, mais de poétique aussi, qui existait dans celui de Léontine Sagan, l’histoire de Manuela nous charme et nous émeut encore.
Cette histoire, rappelons-le, se déroule au début du siècle, dans une institution où sont élevées « à la prussienne » des jeunes filles de l’aristocratie allemande. L’ombre de Bismarck plane sur l’établissement. Destinées à devenir « des épouses et des mères de soldats », nos jeunes filles en uniforme sont traitées avec une rigueur spartiate par leurs surveillantes. L’une de celles-ci pourtant, femme mystérieuse dont on ne sait rien, dont on ne saura rien, sinon qu’il y a trop d’amour dans son cœur pour le métier qu’elle fait, s’efforce d’adoucir le sort des recluses. C’est d’elle que la jeune Manuela va s’éprendre. Amour puéril, mais dont la violence est celle de la passion. Amour qui conduira Manuela au bord du suicide...
Manuela, dans le film de Geza Radvanyi, a les traits de Sissi, je veux dire de Romy Schneider. Cette jeune comédienne, dont la fadeur a fait le succès, témoigne ici d’une sensibilité qui nous surprend agréablement. Elle nous convainc cependant infiniment moins que Lilly Palmer, absolument remarquable dans le rôle de la tendre et douce surveillante. C’est en grande partie à l’intelligence et à la subtilité de cette actrice que ces nouvelles « Jeunes filles en uniforme » doivent de nous avoir, somme toute, plutôt causé une heureuse surprise.
Jean de BARONCELLI
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