Source : France Inter - 14 août 2018 & 15 août 2018
Emission : "On s'fait des films" par Guillemette Odicino
Romy Schneider - Première partie - 14 août 2018
C’est vrai, n’est-ce pas, une sale gueule… Romy Schneider était de ces beautés qui bouleversent, avec ce regard bleu, … non gris, non plutôt vert, cela dépendait de la lumière sur les plateaux, de la météo, des tempêtes et des larmes.
Dès l’enfance, Romy était destinée à devenir une actrice de renom. Elle naît dans une famille où tous les membres sont comédiens de génération en génération. À l’origine, elle est plutôt tentée de faire une école de mode, mais le producteur Kurt Ulrich a d’autres ambitions pour la jeune fille ; la voilà donc à 15 ans sur les plateaux de tournages du cinéma.
Elle est ensuite approchée par Ernst Marichka dans les années 50 pour interpréter le rôle de Sissi. Le premier volet est un triomphe mais Romy refuse de continuer. Elle ira tout de même jusqu’au troisième. L’adolescente est une star mais qui, déjà, se sent enfermée dans un sacré corset. Elle rêve de vivre une vie parisienne, loin des écrans et de la popularité.
C’est Pierre Gaspard-Huit qui, à la fin des années 50, lui offre son passeport pour la France en lui proposant le rôle principal dans "Christine". C’est la fameuse rencontre Romy-Alain. Les tourtereaux seront l’un des couples les plus emblématiques du cinéma et hériterons du surnom des Fiancés de l’Europe. Mais Romy se sent quelque peu enfermée dans une image de poupée innocente et ça, le réalisateur Visconti l’a bien compris. Il lui offre un rôle pour le moins différent dans la pièce "Dommage qu’elle soit une putain", tragédie sombre et violente de John Ford. L’année suivante elle continue sur cette lancée en apparaissant pour la première fois nue à l’écran dans "Boccace 70" de Luchino Visconti. Au début des années 60, c’est Alain Cavalier qui signe avec elle pour "Le combat dans l’île" où elle donne la réplique à Jean-Louis Trintignant.
Mais il n’y a pas que les génies italiens qui devinent en Romy une pépite à exploiter : en 1962, Orson Welles en fait une femme-rêve dans son adaptation de Kafka, "Le Procès". C’est à ce moment-là que l’Amérique tombe amoureuse de l’actrice. Elle signe un contrat de 7 ans avec la Columbia mais elle ne le terminera pas, trop étriquée dans cet univers du show business et trop inquiète de voir Alain Delon aux côtés d’une certaine Nathalie. Elle tourne tout de même à Hollywood avec l’un des géants de son époque, Otto Preminger dans "Le cardinal".
Elle revient en France en 1964 pour un projet fou, "l’Enfer" d’Henri Georges Clouzot. Elle retrouve ensuite son ancien amour Alain dans "la Piscine". Ils sont sages mais émus de se revoir. La France ne veut plus lâcher Romy suite aux deux millions d’entrées que "la Piscine" provoque. Heureusement, Claude Sautet rencontre Romy quelques temps après et est immédiatement séduit par son ardeur. Entre Claude Sautet et Romy, sur le tournage de leur premier film, "Les choses de la vie", adapté du magnifique roman de Paul Guimard, les rapports sont euphoriques. Parce que c’était elle, parce que c’était lui. Il a trouvé l’actrice dont il a besoin pour mettre en lumière le tendre machisme de ses héros masculins. C’est le premier film de Romy avec Piccoli, il y en aura six autres. Claude retente l’expérience Romy-Piccoli dans "Max et les ferrailleurs".
On vous en dit plus dans on s'fait des films.
Les musiques de l'émission :
Eddy Mitchell et Juliette Armanet, Couleur Menthe à l'eau, 2018
Sevdaliza, Soul Syncable, 2018
Romy Schneider et Michel Piccoli, la chanson d'Hélène, 1969
Pour écoutez l'émission, c'est ici :
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Romy Schneider - Deuxième partie - 15 août 2018
Dans la première partie, nous avons parlé des débuts et du pic de la carrière de Romy, de ces rôles angevins et de son envie d'évolution vers un personnage moins innocent. Cap sur la suite de sa carrière, ses rôles bien plus dramatiques aux côtés de réalisateurs d'exception.
Romy Schneider, interprète bouleversante, que son rimmel coule dans "L’important c’est d’aimer" ou qu’elle regarde en souriant "César", prêt à acheter un quartier entier pour l’épater, ou à dépérir sans elle. Claude Sautet avait écrit une première version du film en 1963. Sept ans plus tard, il la réécrit entièrement avec Jean-Loup Dabadie pour en faire, comme il disait «un drame gai». Un tournage plus tempétueux que ses deux précédents avec Romy, mais un chef d’œuvre de triangle amoureux à l’arrivée.
Dans les années 70, comme portée par les succès avec Sautet, elle enchaîne les rôles. Toujours pour de grands cinéastes qui ne peuvent se priver de sa présence magnétique, vibrante, de cette capacité à part d’émotion. Dans "L’important, c’est d’aimer", le premier film français d’Andrej Zulawski Romy Schneider est Nadine, une actrice qui n'arrive pas à dire «je t'aime» sur un plateau de tournage. Ce rôle, difficile à interpréter pour Romy, lui vaudra son premier César. Heureusement, il y d’autres cinéastes, tout aussi talentueux, mais qui ne demandent pas à leurs interprètes de vendre à ce point leur âme au diable, comme Claude Chabrol, qui la dirige dans "Les Innocents aux mains sales". Dans une villa de la Côte d'Azur, une femme et son amant préparent leurs projets machiavéliques pour éliminer le mari. Peut-être pas le meilleur Chabrol, mais l'ombre de Hitchcock plane si bien …
L'année 1975 est celle du "Vieux fusil". Impossible de ne pas être happé par ce drame inspiré du massacre d'Oradour-sur-Glane qui remporta le César du meilleur film, du meilleur acteur pour Noiret et de la meilleure musique pour François de Roubaix, lors de la première cérémonie des Césars de l’histoire. Le couple Noiret-Romy se reforme illico dans "Une femme à sa fenêtre" de Pierre Granier-Deferre.
A la fin des années 70, Truffaut encourage Sautet à écrire une sorte d’équivalent de "Vincent, François, Paul et les autres" mais du côté des femmes. Il décide qu’elle en sera le centre, l’héroïne. En ne pensant qu’à elle, il se lance dans l’écriture d’ "Une histoire simple". Le film est nommée à l’Oscar du meilleur film étranger. Claude Sautet s’en fiche comme de sa première gitane. La seule chose qui l’émeut, c’est que Romy remporte, grâce au rôle de Marie, son deuxième César de la meilleure actrice. C’est Montand qui lui avait remis son César. Son "César de Rosalie", elle le retrouve, devant la caméra de Costa Gavras dans "Clair de femme".
En 1980, Bertrand Tavernier réalise "La Mort en direct", adapté d’un roman anglais de David Compton. Romy exige que son fils David fasse une apparition à l’écran. Elle s’avance, donc, souriante, dans un jardin public, vers un enfant blond avec un ballon lequel elle s’agenouille. C’est comme si elle l’avait senti : David restera immortel, comme elle, gravé sur pellicule.
Le visage de Romy est un paysage où les expressions changent en une fraction de seconde, et où la mort succède à la vie. L’actrice ne semble déjà plus de ce monde dans "Fantôme d’amour" de Dino Risi où elle réapparaît dans la vie de celui qui l’aimait, Marcello Mastroianni. Et c’est tel un fantôme, sorti de la nuit, aussi, qu’elle vient enfoncer son mari, Michel Serrault, dans "Garde à vue", avant de se tuer en comprenant qu’elle s’est trompée. David est parti. Le sort s’acharne de la pire des manières. Parce que Jacques Rouffio la soutient, parce que le film sera avec son grand ami Piccoli, elle tient à tourner, en novembre, en Allemagne "La passante du Sans-Souci", où elle joue avec un garçon du même âge que David.
Romy Schneider n’a pas tenu. Le cœur de la combattante a fini par lâcher. Elle n’a même pas eu la force de terminer une lettre où elle décommandait un prochain rendez-vous. Comme dans "La mort en direct" de Tavernier, Romy a fuit toutes ses caméras, les bonnes, comme les plus charognardes, pour être libre. Sur sa tombe, dans le petit village des Yvelines proche de cette maison qu’elle n’eut pas le temps d’aimer, est inscrit, elle y tenait, son nom de naissance : Rosemarie Albach-Retty. La femme, donc, est morte. Pas l’actrice. Ni Hélène, ni Nadine, ni Marie, ni Rosalie.
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L'équipe :
- Étienne Bertin : Réalisateur
- Guillemette Odicino : Productrice
- Clara Marlio : Attachée de production
- Lorraine Besse : Attachée de Production