Source : Le Quotidien du Cinéma - 08 avril 2022
Deux ans après avoir atteint une notoriété avec la saga “Sissi, et s’être affranchi du genre Heimatfilms, Romy Schneider confirme. "Jeunes filles en uniforme" se rapproche du style des films d’Ernst Marischka au niveau de l’esthétique. Cette production, tirée d’une pièce de théâtre, est un remake d’une version de 1931, réalisée par Léontine Sagan.
L'œuvre a, certes, vieilli, mais possède un charme authentique. La prestation d’une grande actrice en devenir efface les quelques faiblesses de ce film. De surcroît, le quotidien de ce pensionnat est révélateur de la condition féminine au temps de la Prusse.
Un pensionnat au strict règlement
Outre la présence magnétique de Romy, "Jeunes filles en uniformes" évoque un sujet assez intéressant à la base. Le récit a pour cadre un établissement pour jeunes filles destinées à être de bonnes épouses. On leur apprend les bonnes manières. Le personnage incarné par l’actrice autrichienne est donc introduit dans un environnement soumis à un règlement autoritaire. "Mariage, études, distractions", telle est la devise de la directrice qui s’efforce de faire régner l’ordre et la discipline. Le scénario met bien l’accent sur ces méthodes d’éducation rigoureuses et dures. C'est ainsi le reflet d’une société où la condition de la femme est peu mise en valeur. Dès le départ, le cinéaste nous fait vivre la réalité d’un pensionnat de l’époque prussienne, avec ses règles, ses us et coutumes.
Cette évocation est réaliste, même si elle peut sembler très difficile ou trop militaire. Mêmes les relations entre les jeunes femmes sont régies par la loi de la maison. Il faut avouer que "Jeunes filles en uniforme" est un témoignage saisissant qui met en exergue ces pratiques strictes. Beaucoup de scènes dépeignent une atmosphère rigide et délicate. Cependant, ces jeunes filles en uniforme font preuve d’une elle solidarité et d’une grande générosité. Cette galerie de personnages féminins apporte une touche de légèreté dans une œuvre qui est tout de même très sensible. Le cinéaste est purement dans la description, mais ne cherche pas à être constamment dans la dénonciation. Ainsi, ce pensionnat n’est-il pas l’axe central de ce récit. Manuela est là pour déséquilibrer l’ordre établi et transgresser les règles et les conventions.
Un amour singulier et incompris
C'est ici que le titre du film est plutôt trompeur. Car il n’est pas uniquement question de l’éducation, mais aussi de l’attirance de Manuela envers sa professeure. Cette relation n’est pas assez définie, ce qui est fort dommage. Cependant, cette attraction timide se sent. Cet amour sonne comme un sentiment de rébellion. Le scénariste a inclus ce thème pour créer le désordre dans ces mentalités si froides. Un choix intéressant, car ce duo amoureux va à l’encontre des normes de cette société et brave courageusement les interdits. C'est effectivement un amour incompris.
C'est là que "Jeunes filles en uniforme" prend une autre tournure et nous offre quelque chose d’ambitieux et de passionnant. Evidemment, le charme de Romy Schneider fait le tout. Ce couple particulier est beau, sincère. Leurs scènes transpirent leur amour et leurs sentiments. La mise en scène se concentrent surtout sur l’interprète de Sissi. L'actrice a un magnétisme qui imprime la rétine et la toile. Beaucoup de plans sont focus sur son visage qui exprime tellement de choses a la fois.
Ce duo est bien sur mis à mal par les diktats de l’établissement. La directrice, assez revêche, est un personnage fort dont l’écriture permet de créer un conflit bien notable. Du coup, on s’attache à cette histoire et à ces deux personnages féminins. La fin du film est touchante et cohérente. "Jeunes filles en uniforme" parle surtout de cette relation qui défie les lois. C'est surement tout ce que l’on doit retenir de ce film.
Bel esthétisme, mais une plate mise en scène
La couleur apporte un grain superbe, qui fait penser au style esthétique des Sissi. Toutes les couleurs sont ravivées et "Jeunes filles en uniforme" est visuellement beau. Notamment, c'est-ce qui confère une authenticité aux films des années 50. Par contre, la mise en scène est très classique et plate. Aussi, le film a-t-il vieilli au niveau de la conception et de la technique. La manière de filmer y est différente. On ne peut pas le considérer comme un Heimat-film, mais ça s’en rapproche beaucoup.
Au fond, c'est un film de son temps, mais qui parait donc assez daté maintenant. Le tout manque souvent de rythme, ce qui est le principal défaut du classicisme au fond. L'œuvre a un cachet, mais ne se démarque pas des précédents films de Romy. On y voit une jeune et belle actrice qui nait et se révèle. Aussi, si vous aimez Romy, est-il bienvenu de regarder ces films qu’elle a tournés dans ces jeunes années. Tout cela pour mieux comprendre son parcours et analyser son évolution.
Sylvain Jaufry