Source : Le Progrès.fr - Le 24 novembre 2016
Le volume 1 de son intégrale, avec neuf films en version restaurée, vient de sortir. Le cinéaste s’explique, de A à Z, avant son débat, vendredi à la Fnac Bellecour de Lyon. Interrogatoire.
Restauration
«J’ai revu tous mes films, plan par plan, sans le son, pour mieux détecter les défauts. Heureusement, il n’y a pas eu de dégâts trop catastrophiques. Pour certains, on a pu utiliser les enregistrements sonores originaux. L’idée était de retrouver la qualité du film au moment de sa sortie, sans embellir les images, ni ramener certaines couleurs à la sensibilité d’aujourd’hui. Le principe était de respecter mes choix d’alors, même si certains peuvent paraître dater.»
DVD
«Mes films de cette époque sont rarement sortis en VHS ou DVD. Il y a eu des éditions, mais sans mon consentement direct. Ces supports, je crois, ont démystifié le cinéma en salles. Aujourd’hui, on peut s’acheter trois films pour dix euros. Ça fait un peu désinvolte et pas très respectueux de l’œuvre, non ?»
Disparition
«Revoir ces films m’a provoqué un choc d’un autre ordre : tant d’acteurs ont disparu : Yves Montand, Simone Signoret, Jean Yanne, Jack Lemmon, Marc Porel, Pierre Dux… Une grande tragédie contre laquelle on ne peut rien.»
Yves Montand
«Les gens disent souvent qu’il a été mon acteur fétiche. N’est-ce pas plutôt moi qui, à cette époque, étais son metteur en scène fétiche ? Nous avions immédiatement noué une relation étroite, car Montand et Signoret m’avaient aidé à monter "Compartiment tueurs". J’avais insisté pour qu’il joue dedans, mais lui, n’avait pas envie d’interpréter un policier. Pour le convaincre, je lui ai proposé de mettre une sorte de masque en reprenant son accent du midi. Ça lui a donné la distance nécessaire. À l’époque, les acteurs de petits polars étaient plutôt dans l’imitation des postures d’Humphrey Bogart.»
Romy Schneider
«Le film dont je suis le plus fier est peut-être "Clair de femme", avec Romy Schneider et Yves Montand, que j’ai eu grand plaisir à réunir. Le film a été assez mal perçu. Les gens se demandaient ce que je suis allé faire dans ce drame romanesque. Je l’ai réalisé avec un grand respect pour les dialogues de Romain Gary, très particuliers, voire incompréhensibles pour certains.»
Politique
«Les gens croient que je me lève tous les matins en me demandant dans quel débat politique je vais me lancer. À Lyon, comme partout, je m’attends donc à ce que la discussion s’étende sur la politique et les acteurs. Ce qui est normal. Moi, contrairement à ce que tout le monde croit, je n’ai pas la double nationalité, je vote en France. Et la situation mondiale me chagrine. Le monde prend un virage pas très positif pour nos libertés individuelles. Si Monsieur Trump fait la moitié de ce qu’il prévoit, ça va être un chambardement très inquiétant, car les États-Unis donnent le “la” de la politique mondiale. On assiste aussi à des choses très préoccupantes en Hongrie, Pologne, Allemagne. En France, on verra… J’ai toujours eu du respect pour la manière dont la démocratie s’y déroule.»
Pratique : Rencontre à la Fnac Bellecour, Lyon, vendredi 25 novembre à 17 h 30.
Ses 9 premiers films restaurés : Compartiment tueurs (1965), Un homme de trop Z, l’aveu, État de siège, Section spéciale, Clair de femme, Missing, Hanna K, (1983).
Documents : tournages de Compartiment tueurs, L’aveu, Hanna K.
Entretiens avec Edwy Plenel (3 heures), Christiane Taubira, Chris Marker, Samuel Blumenfeld.