Source : La Croix - 20 février 2021
Récit : L’absente
C’est le récit d’une absence. De cette mère dont Sarah Biasini se refuse obstinément, tout au long du livre, à écrire le nom. Parce qu’ «on n’appelle pas ses parents par leur nom» et que dire «ma mère» est son privilège. «Personne à part moi ne peut le faire. Je ne vais pas me priver», dit-elle.
Une façon de se réapproprier la star, celle des magazines, et une légende, qui n’est pour elle qu’une maman disparue trop tôt. Elle avait 4 ans et demi lorsque Romy Schneider est morte, à l’âge de 43 ans, un an seulement après son fils David. Des souvenirs avec elle, Sarah Biasini n’en a presque pas, ou si peu, seulement «des flashs», «des images discontinues». Alors, lorsqu’elle tombe enceinte à l’âge de 39 ans, après dix ans de tentatives infructueuses, tout remonte à la surface. Le manque bien sûr, mais aussi les questions et les doutes. Comment devenir mère quand on n’a presque pas connu la sienne ?
Discrète, Sarah Biasini s’est fait une règle de ne jamais parler de sa mère en public. Elle éprouve pour la première fois le besoin de se confier. Elle le fait avec simplicité et délicatesse sous la forme d’une lettre à sa fille, Anna, qui vient de naître. Elle le fait par peur de disparaître à son tour et pour lui laisser quelque chose d’elle. La mort lui est familière et elle n’en a pas peur, dit-elle.
Elle le fait aussi parce que la mémoire se réactive avec ses fêlures et ses frustrations. Elle voudrait tellement redevenir cette petite fille qui veut courir dans des bras maternels. « Je m’occupe de toi comme si tu étais moi parce que j’ai tant l’impression de savoir ce dont tu as besoin », confie-t-elle dans ce livre intime et poignant, qui est pour elle à la fois une fin et un commencement. «Tu ne seras plus la fille de ta mère, tu seras la mère de ta fille», lui glisse un jour son compagnon. «La messe est dite», écrit-elle.
Céline Rouden