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Source : France Dimanche.fr - 10 janvier 2021
Romy Schneider : Les incroyables révélations de sa fille !
Sarah Biasini, la fille de Romy Schneider, n'avait jamais osé aborder ce chapitre de sa vie, mais la naissance de sa petite Anna a été un élément déclencheur…
Un visage d'une beauté renversante, une profonde intensité dramatique qui laissait transparaître autant de force que de fragilité… Bien que née en Autriche, Romy Schneider fut l'une des plus divines actrices françaises. Éternelle princesse révélée dans "Sissi impératrice", elle a accédé au rang de mythe avec "La Piscine", "Les Choses de la vie" ou "Le Vieux Fusil", sans oublier "L'important c'est d'aimer" ou encore "Une histoire simple" qui lui valent ses César. Toute son existence ressembla à un film où le tragique succéda au romanesque. Une idylle avec Alain Delon, deux mariages, un fils de 14 ans qui décède accidentellement en escaladant un portail et dont le père s'était suicidé deux ans plus tôt… Le 29 mai 1982, Romy Schneider est retrouvée morte à son domicile parisien, terrassée par le chagrin et les addictions.
Sarah, sa fille, n'a alors que 4 ans. Pour la fillette qui est élevée par son père, le journaliste franco-italien Daniel Biasini, et ses grands-parents paternels, le défi est de taille : il va lui falloir grandir sans mère, dans l'ombre d'une légende écrasante qu'elle aura à peine connue.
Aujourd'hui, à 43 ans, la jeune femme sort un premier livre d'une force rare, intitulé "La Beauté du ciel" (éd. Stock), en référence à cette infinie grâce qui émanait des traits de Romy. Celle qui a suivi les traces de sa maman en devenant comédienne s'y livre comme jamais, comme dans une lettre ouverte à l'attention de sa fille Anna, née en février 2018. Tout au long de ce texte poignant, Sarah s'adresse aussi à sa mère disparue avec, en filigrane, des questions existentielles qui n'ont eu de cesse de la torturer : comment vivre lorsqu'on est habitée par la mort ? Comment faire le deuil d'une mère que le monde idolâtre ? Et comment devenir, à son tour, mère ?
Après des années de silence, c'est à la suite d'un choc immense, survenu le 1er mai 2017, que Sarah Biasini a compris que le moment d'écrire était venu. Ce jour-là, un coup de fil de la gendarmerie de Mantes-la-Jolie lui apprend que la tombe de sa mère, au cimetière de Boissy-sans-Avoir, dans les Yvelines, a été profanée. La malheureuse jeune femme s'écroule en sanglots.
Trop petite pour assister aux obsèques de l'actrice en 1982, elle va alors devoir prendre part à une effroyable cérémonie au cours de laquelle la dépouille de sa maman est enterrée une seconde fois. «J'y suis allée, la gorge étranglée, j'étais si émue. Il y avait très peu de monde, les marbriers, la capitaine de gendarmerie, le maire […]. C'était comme un petit enterrement privé», vient de confier la jeune femme, encore toute chamboulée, à Elle. Déjà mortifiée de se retrouver devant cette pierre tombale où sont gravés «les noms de sa mère et de son frère David», on lui inflige le coup de grâce à la fin de cette épreuve abominable en lui présentant la facture.
Obligée de réparer la sépulture à ses frais, elle s'acquitte de son dû avec une sensation bizarre. «J'ai eu l'impression de faire mon devoir de fille. À la fin, j'ai sorti mon carnet de chèques pour payer les frais, et c'était comme si je réglais mes comptes avec mon passé», explique-t-elle. Et, trois semaines plus tard, se produit un véritable miracle. Alors qu'elle n'arrivait pas à avoir d'enfant et envisageait la fécondation in vitro, Sarah tombe enceinte de son compagnon, le metteur en scène et chorégraphe Gil Lefeuvre. Comme si la fertilité lui avait été miraculeusement envoyée par sa défunte maman ! «Dix ans que je l'espérais, que j'avais envie d'un enfant, et que ça ne venait pas. Comme s'il y avait eu un déblocage», avoue-t-elle. Mais au huitième mois de cette grossesse «idyllique» va surgir l'horreur.
Sarah ne peut s'empêcher de redouter le pire. Et si, en donnant la vie, elle réveillait les drames passés, ceux que sa propre mère a dû endurer jusqu'à en mourir, à commencer par la disparition tragique de son garçon adoré, David ? «Je me suis mise à avoir peur. De mourir comme ma mère était morte», avoue-t-elle. Surmontant ces angoisses, elle accouche d'une petite fille qu'elle appelle Anna Rosalie, en hommage à "César et Rosalie", son film préféré de Claude Sautet. Ses pensées morbides ne cessent pas pour autant : «À la naissance d'Anna, j'ai eu l'angoisse qu'elle meurt, comme le fils de ma mère était mort…»
Aujourd'hui, grâce à l'écriture, elle se dit, heureusement, plus «sereine», même si la douleur de la perte de sa mère reste gravée en elle. «Je n'en veux pas aux gens qui me parlent d'elle, même si j'ai un peu de mal à partager leur peine. Mais chaque fois que j'entends son nom, j'entends sa mort. C'est cela, les survivants…», a-t-elle confié au Journal du Dimanche. Pour essayer de faire son deuil, Sarah avait tenté de comprendre qui était vraiment Romy, non pas l'icône du cinéma adulée de tous, mais la femme. Pour cela, elle avait rencontré Alain Delon, un joli moment qui reste inoubliable, mais aussi le réalisateur Claude Sautet et même l'acteur Michel Piccoli. «Des émotions incroyables, je me suis sentie très vivante en les écoutant», avoue-t-elle.
Mais il aura fallu qu'elle devienne mère à son tour pour que cette bouleversante quête d'identité d'une fille en manque d'amour maternel se solde par un apaisement et le sentiment de mieux connaître celle qui a disparu trop tôt, à seulement 43 ans. «J'ai une sensation intime, vraie, profonde d'elle, c'est ce qui fait que je vais bien», conclut Sarah. Débarrassée du poids du passé, la jeune mère peut enfin penser à l'avenir et donner à sa petite fille de presque 3 ans toute l'affection d'une maman, ce qui lui a tant fait défaut…
Valérie EDMOND
19h14 dans Presse - 2020, Revue France Dimanche | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Elle.fr - 28 décembre 2020
Enceinte de son premier enfant, Sarah Biasini a eu besoin de prendre la plume. Elle écrit l'amour et le manque de sa mère, Romy Schneider, et sa construction dans l'ombre d'un mythe. Un récit entre grâce et douceur.
Le sensationnel, ce n'est pas son genre. L'honnêteté, si. Dans un récit de funambule en équilibre, entre intimité et pudeur, Sarah Biasini fend l'armure. «La Beauté du ciel» (éd.Stock, en librairie le 6 janvier) est une poignante lettre d'amour écrite à sa fille qui vient de naître, Anna, dans laquelle elle exprime son amour et son désarroi : comment devient-on mère lorsqu'on a perdu la sienne ? On y découvre avec émotion Sarah, 4 ans, à qui son père, Daniel Biasini, vient expliquer que sa mère, Romy Schneider, est partie rejoindre David, son frère mort un an auparavant. On y découvre une femme discrète de 43 ans qui questionne son histoire avec intelligence, parle de sa mère avec une immense tendresse, la démystifie pour l'humaniser, et ainsi la ressusciter.
ELLE. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ?
Sarah Biasini. Depuis plusieurs années déjà, j'avais envie de ce travail solitaire. Mais je ne savais pas très bien sur quel sujet… En fait, je pense que, sans me l'avouer, j'avais envie d'écrire sur ma mère depuis très longtemps. Sur l'amour, sur l'absence, sur le manque, parce que c'est ce que je connais le mieux. Et puis il s'est produit un déclic étrange, la tombe de ma mère a été profanée. Le 1er mai 2017, j'ai reçu un coup de fil de la gendarmerie me disant que la pierre tombale avait été descellée. Je me suis mise à pleurer, beaucoup. Ma mère était déjà morte, certes, mais quand allait-on enfin la laisser tranquille ?
ELLE. Vous alliez souvent sur sa tombe ?
S.B. Très peu, je n'ai pas besoin d'aller au cimetière pour penser aux morts. Et puis, là, j'y suis allée, la gorge étranglée, j'étais si émue. Il y avait très peu de monde, les marbriers, la capitaine de gendarmerie, le maire, le même qu'à l'époque de l'enterrement de ma mère qui m'a raconté comment s'étaient passées les obsèques – je n'y étais pas, j'avais 4 ans. Tous ces gens étaient doux, marchaient sur des œufs, très respectueux de moi. Cela m'a bouleversée de me retrouver devant ces deux noms gravés, ceux de ma mère et de mon frère. C'était un moment juste pour moi.
ELLE. Était-ce une façon de vous réapproprier votre mère, elle qui appartient à tout le monde, écrivez-vous ?
S.B. C'était comme un petit enterrement privé. J'ai eu l'impression de faire mon devoir de fille. À la fin, j'ai sorti mon carnet de chèques pour payer les frais, et c'était comme si je réglais mes comptes avec mon passé. Toute la semaine qui a suivi, j'ai ressenti un truc physique bizarre, l'envie de revivre cette journée constamment, sans comprendre pourquoi. Je sentais à quel point elle m'avait chamboulée. Trois semaines plus tard, je suis tombée enceinte ! Dix ans que je l'espérais, que j'avais envie d'un enfant et que ça ne venait pas. C'est comme s'il y avait eu un déblocage. Et je me suis dit : «Mais c'est ça, mon sujet !» Raconter comment ma fille n'était pas arrivée par hasard. Et puis j'avais des choses à dire sur ma mère, je trouvais ça bien que, moi, je parle d'elle, enfin.
ELLE. Parliez-vous beaucoup d'elle avec votre père et vos grands-parents paternels qui vous ont élevée ?
S.B. Ma famille m'a toujours parlé d'elle le plus naturellement possible. On ne me disait pas : «Attention, on va te raconter ta mère, la grande actrice !» Un souvenir leur venait et ils me le livraient : un déjeuner le dimanche, un grand prix de Formule 1 regardé ensemble à la télévision, des moments banals de bonheur partagé. Ils me parlaient d'elle comme elle était, un être humain, avec ses défauts et ses qualités, qu'ils adoraient. L'amour a circulé très rapidement entre eux car ma mère savait que c'étaient des gens simples, pas impressionnés par les films, la star, tout ça. O.K., elle mettait des robes du soir, mais c'était une femme comme les autres. C'est grâce à eux, et à ce qu'ils m'ont transmis, que je suis très saine d'esprit !
ELLE. Et aussi, et c'est bouleversant, vous écrivez que vous êtes sans cesse renvoyée à votre mère, donc à une absence…
S.B. Oui, à chaque fois, je me dis : elle n'est pas là. Ma mère ne m'a pas manqué quand j'étais petite, c'est la femme, aujourd'hui, qui me manque. Je me demande quelles conversations, quels rapports j'aurais avec elle. Toute mon enfance, j'ai été entourée, aimée, je n'ai pas eu de manque de caresses, de tendresse – on est très tactiles dans ma famille, encore aujourd'hui, je pose ma tête sur les genoux de ma grand-mère Monique, une femme extraordinaire. C'est curieux de me dire : ma mère m'a touchée, je l'ai touchée, mais je n'en ai pas de souvenirs. Une mère, ça reste un mystère pour moi.
ELLE. En écrivant, avez-vous eu l'impression de percer ce mystère ?
S.B. Je me dis que, longtemps, j'ai un peu tourné le dos à ma mère, et que c'est bien, aujourd'hui, de m'être tournée vers elle. Quand on me posait des questions sur elle, j'envoyais bouler les gens, comme si je n'étais pas fière, et je culpabilisais d'avoir ce comportement. En écrivant, j'ai trouvé mon histoire incroyablement romanesque, et ça m'a plu. J'adore ma famille avec toutes ses joies, ses drames, jusqu'à cette profanation… Et moi qui tombe enceinte ! Ça valait bien un livre !
ELLE. Avez-vous questionné votre père pour écrire ?
S.B. J'ai un Œdipe démesuré ! On est très proches, mais mon père a un côté assez masculin, une grande pudeur, il est plutôt du genre à faire des blagues qu'à s'appesantir. Il m'a dit l'essentiel. Comme ces vacances en amoureux, à Calvi… Ma mère avait appelé d'une cabine téléphonique la nourrice qui s'occupait de mon frère, David. Celle-ci l'avait informée que Luchino Visconti cherchait à la joindre. Et ma mère, devant mon père, appelle le metteur en scène qui lui propose de tourner un film avec Alain Delon ! Et elle répond que, désolée, non, elle ne peut pas parce qu'elle est enceinte. C'est ainsi que mon père a appris mon arrivée… J'ai été très désirée, c'est toujours bon à savoir ! Et j'ai été une petite fille très aimée.
ELLE. Et regarder votre petite fille, très aimée, elle aussi, vous bouleverse à l'excès. Que s'est-il passé ?
S.B. Dans les premiers mois de la vie d'Anna, je me suis vue avoir des réactions démesurées, des élans excessifs qui m'ont poussée à m'interroger : comment devient-on mère quand on a perdu la sienne ? Et quel genre de mère devient-on ? En plus, ma fille a la même tête que moi, enfant, juste les cheveux un peu plus raides. Ce n'est pas pour dire que c'est mon sosie, mais quand je regardais Anna, c'était moi que je voyais. Et je ne savais plus si j'étais la mère de ma fille ou ma propre mère ! C'était vertigineux, ça m'a replongée dans mes premières années : comment ça s'était passé avec ma mère quand j'étais bébé ? J'avais l'impression de chercher sans cesse des souvenirs sensoriels, c'était assez bouleversant.
ELLE. Vous ne vous épargnez pas dans le portrait que vous faites de vous, vous vous dites inquiète, vous parlez de vos nerfs…
S.B. Dans ma famille, on est tous comme ça, on vit tous comme si on allait mourir demain… À chaque fois que ma grand-mère me dit au revoir, c'est comme si c'était la dernière fois. On ne peut pas faire autrement, il y a eu le décès de mon frère, de ma mère, on est conditionnés. Ce sont des drames qui vous font apprécier le moment présent, qui font qu'on se dit les choses avec sincérité et intensité, on va au plus vite, au plus fort. Mais ça donne la trouille. J'ai eu une grossesse idyllique, et, à la fin, au huitième mois, je me suis mise à avoir peur. De mourir comme ma mère était morte. À la naissance d'Anna, j'ai eu l'angoisse qu'elle meure comme le fils de ma mère était mort. Je savais que les deux cas étaient possibles. Je ne pleurniche pas, c'est comme ça. Je me contrôle et Anna me rend heureuse d'une façon exceptionnelle.
ELLE. Vous racontez que vous avez fait une analyse. Cela vous a beaucoup aidée ?
S.B. Entre 25 et 35 ans, j'ai connu des passages dépressifs et, conseillée par des amis, j'ai fait une analyse qui m'a sauvé la vie. J'ai appris à identifier les moments difficiles, les accepter, ne pas en faire un drame. Et j'ai trouvé ça génial intellectuellement : l'analyse m'a rendue plus intelligente, m'a permis de m'aimer mieux, d'améliorer mon appréhension de la féminité. Ma grand-mère est belle, elle porte des talons et des bijoux. Longtemps, j'ai rechigné à m'habiller bien, à me faire jolie…
ELLE. Votre fille s'appelle Anna Rosalie, pourquoi ?
S.B. Anna, j'adore. Rosalie, c'est marrant, car moi qui en ai marre qu'on me parle de l'actrice, j'ai choisi un personnage de film de ma mère ! Mais j'aime tellement ce film, je le connais par cœur…
ELLE. Vous avez rencontré Claude Sautet, d'ailleurs. Michel Piccoli aussi. Que vous ont apporté ces rencontres ?
S.B. Des émotions incroyables, je me suis sentie très vivante en les écoutant. Je suis allée les voir, mais de manière diffuse, éparpillée dans le temps. J'avais du mal à aller sonner à leur porte : parlez-moi de ma mère, s'il vous plaît ! J'avais peur de les mettre dans l'embarras, j'avais peur de pleurer. La rencontre avec Claude Sautet a été un moment incroyablement chargé, bouleversant. Alain Delon aussi… notre rencontre s'est faite sur le tard, c'était très touchant, très joli, il y a eu un tel truc entre eux. Et Michel Piccoli, ils en ont tourné, des films ensemble… Piccoli, c'était la classe, il m'a dit que ma mère, c'était son pote ! Et que, quand elle n'était pas maquillée, on ne la reconnaissait pas. Ce détail m'a beaucoup plu. Car, pour moi, ma mère, c'est une femme lambda…
ELLE. Avez-vous lu les biographies écrites sur Romy Schneider ?
S.B. Non, je ne veux pas tout savoir sur ma mère, je n'ai pas vu tous ses films, j'en ai longtemps éprouvé un sentiment de culpabilité, le temps passant, je l'assume. On n'est pas obligé de tout connaître de ses parents ! Un jour, j'ai entendu Charlotte Gainsbourg dire quelque chose comme cela aussi, ses mots m'ont réconfortée. Je n'ai pas lu les biographies écrites sur Romy Schneider, je ne l'appelle d'ailleurs pas Romy, je suis sa fille, je n'aime pas trop prononcer son nom. J'ai besoin de me faire ma propre histoire, mon propre film, grâce aux personnes de ma famille. J'ai assez de sources auxquelles je crois profondément pour savoir que je suis dans le vrai. Ce sont des gens qui ont passé… quoi ? dix-quinze ans avec elle ! Je n'ai pas besoin de souvenirs détaillés, j'ai une sensation intime, vraie, profonde d'elle, c'est ce qui fait que je vais bien. J'ai un rapport très sain avec ma mère, je crois. Parfois je lui dis : tu m'emmerdes, tu m'agaces… je la démystifie, j'ai tellement entendu de mystifications à deux balles.
ELLE. Ne craignez-vous pas de vous exposer ?
S.B. Une bonne partie de mon histoire et de ma famille est déjà publique, ce n'est pas grave de m'exposer, je n'en souffre pas. Mes parents en ont beaucoup plus souffert que moi, ils ont vécu des choses dramatiques, notamment concernant mon frère. Mes joies sont plus grandes que la lumière qu'on projette sur moi.
ELLE. Vous avez des souvenirs de votre frère ?
S.B. Les souvenirs se mélangent avec les photos qui étaient dans le salon de la maison où j'ai grandi, inconsciemment, je refais notre histoire… Il adorait mon père, se faisait appeler David Biasini. Mon frère n'est pas seulement un nom sur une tombe, c'est important d'en parler pour moi, même si c'est difficile. Il n'y a rien à dire mais il faut le dire. Ma fille a un demi-frère, plus grand qu'elle, le fils de mon compagnon, la première fois que je l'ai vue sauter dans ses bras, j'étais bouleversée.
ELLE. Le titre de votre livre, «La Beauté du ciel»…
S.B. Je l'ai vite trouvé, dès le début de l'écriture, et j'en suis contente. C'est le surnom que je donne à ma fille, il m'est venu spontanément un jour où je l'ai prise dans mes bras. C'est aussi une référence à la beauté du ciel qu'on regarde et on se dit : tiens, salut ! On lève le nez, et on pense aux disparus, même quand on est athée. J'adore attraper plein de signes, on fait tous cela dans ma famille, c'est plus doux de se dire que nos morts nous regardent, non ?
Par Olivia de Lamberterie
11h15 dans News Sarah, Presse - 2020, Revue Elle | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Le Journal du Dimanche - 29 décembre 2020
La comédienne et fille de Romy Schneider, Sarah Biasini, a perdu sa mère à 4 ans et demi. Dans La beauté du ciel (Stock), elle se livre sur son enfance, tout en s'adressant à sa fille, Anna.
Tantôt règlements de comptes œdipiens, tantôt exhibitions d'excès en milieu privilégié, les livres des enfants de vedette se distinguent souvent par leur complaisance racoleuse et leur insignifiance littéraire. De là notre – bonne – surprise lorsque nous avons ouvert cette Beauté du ciel : plutôt que de donner à l'époque les drames prémâchés dont elle aime se gaver, l'auteure, la comédienne Sarah Biasini, 43 ans, raconte de manière délicate ce que c'est que de devenir mère quand on est la fille de Romy Schneider.
Sans prétendre dénoncer ou rétablir quoi que ce soit. Et sans rien céder aux injonctions du marketing : les stars, le cinéma sont évoqués dans les dernières pages, et les drames qui ont marqué sa famille – la mort de son frère et celle de sa mère, sources de toute une légende noire – sont énoncés sans un mot de trop.
Pour l'essentiel, le livre restitue, dans une langue à la simplicité travaillée, les réflexions qui pourraient être celles de tout jeune parent : devenir mère, n'est-ce pas renouer, par les petits miracles des réminiscences, avec la fille que l'on a été, et retrouver ainsi sa propre mère? N'est-ce pas aussi se vouer à vivre avec la peur de voir les drames passés se répéter? S'y ajoutent les questionnements découlant de la célébrité : comment faire la part de la mère dont on se souvient fugacement et de l'actrice dont tout le monde voudrait vous parler?
J'avais envie d'écrire sur ma mère depuis longtemps
"J'avais envie d'écrire sur ma mère depuis longtemps", nous dit Sarah Biasini, bras croisés dans les bureaux de son éditeur, avant de reprendre : "J'avais envie de l'aimer publiquement. J'avais envie d'écrire depuis longtemps. Avec les événements déclencheurs, les raisons étaient toutes trouvées." Parfois, la vie se change en livre de signes et Sarah Biasini le raconte fort bien : le premier mai 2017, elle apprend, mortifiée, que la tombe de sa mère a été profanée.
Néanmoins, elle décide de prendre ce retour au cimetière comme une occasion de faire enfin son deuil – elle avait 4 ans et demi au moment du décès. Trois semaines plus tard, elle qui essayait d'avoir un enfant et envisageait une fécondation in vitro apprenait qu'elle était enceinte…
Toutes les familles peuvent vivre des tragédies. Toutes ne s'y voient pas perpétuellement renvoyées et, si Sarah Biasini nous touche, c'est aussi parce qu'elle expose, sans insistance, des sentiments simples et légitimes. Comme le désir de se réapproprier une mère capturée par sa propre mythologie. "Je n'en veux pas aux gens qui me parlent d'elle, même si j'ai un peu de mal à partager leur peine. Mais chaque fois que j'entends son nom, j'entends sa mort. C'est cela, les survivants… Et puis c'est ma mère, pour moi, elle n'est que ça. Parfois, je me fiche de l'actrice."
Sarah Biasini porte, sur son visage, le souvenir de celui de sa mère. Dans le livre, cette ressemblance donne lieu à de jolies scènes, lorsqu'elle rencontre Claude Sautet ou Michel Piccoli et relate la stupeur que sa vue provoque chez ces artistes qui ont tant aimé Romy. Cette beauté a son revers – elle est aussi une assignation à s'entendre sans cesse rappeler son ascendance. Elle a appris à faire avec. Son livre raconte à la fois jusqu'où va l'emprise et quelle joie, quelle gratitude on peut trouver à s'en libérer. Ainsi, lorsque, en plein accouchement, une infirmière a voulu lui parler de Romy Schneider, c'est la sage-femme qui l'a interrompue : "Ah, non, hein ! C'est son moment, là !" Parfois, la lumière surgit de sources les plus inattendues, et l'une des beautés de ce livre est de savoir la saisir.
J'ai eu si peu de ma mère
Sarah Biasini a baptisé sa petite fille Anna – et rit lorsqu'on observe qu'il s'agit d'un prénom palindrome (qui se lit dans les deux sens). On y retrouve inscrits comme en médaillon les deux mouvements du livre. Un retour vers le passé, à travers les souvenirs de l'auteur et de ceux qui ont connu sa mère – et qui en livrent une image "bien plus gaie, vivante et complexe" que celle restituée par les biopics tire-larmes. Et un appel vers l'avenir, une façon d'offrir à sa fille une mémoire déminée. Certes, écrire permet de conjurer la peur, mais elle ne l'abolit pas. Sarah Biasini a rédigé son texte pour sa fille, "si jamais" elle ne pouvait l'accompagner jusqu'à l'âge adulte.
Cela peut se comprendre : "J'ai eu si peu de ma mère." Elle a eu, par contre, deux mères de substitution auxquelles elle rend un bel hommage : sa grand-mère paternelle, fumeuse invétérée, qui lui jetait les mêmes regards énamourés qu'elle adresse aujourd'hui à sa fille, "une mère à la Romain Gary ou à la Albert Cohen". Et cette Bernadette, dite "Nadou", "nourrice comme on n'en fait plus", embauchée par sa mère en 1975 et avec laquelle elle est toujours liée. "Il y a toujours une urgence à dire aux gens qu'on les aime. Encore plus dans ma famille, où l'on connaît les risques de la mort brutale. Alors on s'arrange pour ne pas rester sur une fâcherie, on essaie de se dire les choses, au cas où nous nous verrions pour la dernière fois. C'est un peu une obsession."
Et néanmoins une forme de sagesse? "Je suis d'accord. Il n'y a pas tant de choses importantes dans la vie."
Aujourd'hui, Sarah Biasini sait aller à l'essentiel, et cela se voit dans son livre.
Par Alexis Brocas
11h05 dans Presse - 2020 | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Gala.fr - 24 décembre 2020
NDLR : le titre de l'article a été volontairement modifié !!!
Sarah Biasini se livre comme rarement dans une interview accordée à nos confrères du magazine "Elle" ce jeudi 24 décembre. La fille de Romy Schneider revient sur cet évènement dramatique qui l'a poussée à prendre la plume.
Dans un livre intitulé "La beauté du ciel" à paraître aux éditions Stock le 6 janvier prochain, Sarah Biasini s'adresse à sa fille Anna qui vient de naître. Elle évoque ses joies, ses peines, et le manque, après la mort de sa mère Romy Schneider disparue en 1982. Dans les colonnes du magazine "Elle" en kiosque ce jeudi 24 décembre 2020, elle raconte la genèse de cet ouvrage. "Depuis plusieurs années déjà, j'avais envie de ce travail solitaire (...) Il s'est produit un déclic étrange, la tombe de ma mère a été profanée," se souvient-elle. L'évènement s'est produit en mai 2017. A Boissy-Sans-Avoir dans les Yvelines, des malfaiteurs ont profané la tombe de l'actrice.
"J'ai reçu un coup de fil de la gendarmerie, me disant que la pierre tombale avait été descellée. Je me suis mise à pleurer, beaucoup. Ma mère était déjà morte certes, mais quand allait-on enfin la laisser tranquille ?" s'est interrogée celle qui a perdu sa maman à l'âge de 4 ans seulement. Une profanation qui la pousse à se rendre sur les lieux, elle qui n'allait que très peu se recueillir sur la tombe de sa mère, soulignant "qu'elle n'a pas besoin d'aller au cimetière pour penser aux morts". Face aux marbriers, au maire et au capitaine de la gendarmerie, Sarah Biasini se montre particulièrement "émue". "Cela m'a bouleversée de me retrouver devant ces deux noms gravés, ceux de ma mère et de mon frère. C'était un moment juste pour moi" confie-t-elle. En effet, Romy Schneider repose auprès de son fils David, mort tragiquement à seulement 14 ans.
"C'est comme si il y avait eu un déblocage"
Une cérémonie très intime, "comme un petit enterrement privé". Sarah Biasini songera longuement à cet instant. Quelques semaines plus tard, celle qui tentait un vain de tomber enceinte, attend enfin un enfant. "C'est comme si il y avait eu un déblocage. Et je me suis dit 'c'est ça mon sujet ! Raconter comment ma fille n'était pas arrivée par hasard. Et puis j'avais des choses à dire sur ma mère, je trouvais ça bien, que moi, je parle d'elle, enfin."
La fille de Romy Schneider a pris la plume pour exorciser sa douleur, et mettre des mots sur ses maux. L'écriture pour thérapie.
Marion Rouyer
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Source : Gala.fr - 24 décembre 2020
Sarah Biasini, fille de Romy Schneider, se livre comme jamais : «C'est la femme, aujourd'hui, qui me manque»
Dans une interview accordée à Elle, Sarah Biasini évoque son rapport à sa mère Romy Schneider, décédée lorsqu'elle avait 4 ans. Si elle lui a souvent "tourné la dos", elle a fait un pas vers elle suite à un triste événement.
Romy Schneider était une icône du cinéma, une actrice culte. Celle-ci a eu deux enfants, David et Sarah, et cette dernière sortira le livre "La beauté du ciel" chez Stock le 6 janvier prochain, écrit comme une lettre ouverte à sa fille Anna, née en février 2018. C'est à cette occasion qu'elle a accordé une longue interview au magazine "Elle", en kiosque ce jeudi 24 décembre. Dans cet ouvrage la comédienne de 43 ans ne parle pas uniquement à sa petite fille, elle glisse quelques mots sur sa mère, Romy Schneider, morte en 1982, alors qu'elle avait 4 ans.
À nos confrères, Sarah Biasini explique que c'est le 1er mai 2017 qu'elle a eu un déclic et a décidé d'écrire sur sa mère. Ce jour-là, la tombe de celle qui a vécu une histoire d'amour passionnée avec Alain Delon a été profanée. Sarah Biasini s'est alors retrouvée face à cette tombe dans laquelle repose également son frère David, et les souvenirs sont remontés. Pourtant, elle l'assure, sa mère ne lui a pas manqué lorsqu'elle était petite. "C'est la femme, aujourd'hui, qui me manque," assure-t-elle. Puis d'ajouter : "Je me demande quelles conversations, quels rapports j'aurais avec elle." Il faut dire que la comédienne a été très cajolée par une famille "très tactile". "Toute mon enfance, j'ai été entourée, aimée, je n'ai pas eu de manque de caresses, de tendresse," ajoute-t-elle.
Cette analyse qui lui a sauvé la vie
En écrivant La beauté du ciel, Sarah Biasini fait un pas vers sa mère Romy Schneider alors qu'elle lui a longtemps "tourné le dos". "Je me dis que (...) c'est bien, aujourd'hui, de m'être tournée vers elle," analyse-t-elle. Désormais, la mère de la petite Anna va bien mieux et si la maternité n'y est pas pour rien, il y a aussi cette analyse qui lui a "sauvé la vie". "J'ai appris à identifier les moments difficiles, les accepter," note-t-elle. Autre détail et pas des moindres, l'envie de se réapproprier l'histoire de sa mère. En effet, en véritable icône, Romy Schneider a beaucoup fait parler d'elle et fait toujours parler, près de 40 ans après sa mort. "Je n'ai pas besoin de souvenirs détaillés, j'ai une sensation intime, vraie, profonde d'elle, c'est ce qui fait que je vais bien," confie Sarah Biasini, qui fait enfin la paix avec elle-même grâce à ses maux posés sur un papier.
Thomas Monnier
17h40 dans News Sarah, Presse - 2020, Revue Gala | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Voici.fr - 24 décembre 2020
Sarah Biasini est la fille d'une icône du cinéma : Romy Schneider. Ses parents divorcent en 1981 et sa mère meurt en 1982, alors qu’elle n’a que 5 ans. Il a fallu du temps à Sarah Biasini pour trouver l'apaisement et la force d'évoquer cette figure tutélaire qu'est sa mère.
Sarah Biasini est née en juillet 1977 du fruit des amours entre Romy Schneider et Daniel Biasini. Ce dernier, journaliste, est fréquemment parti en reportages à l'étranger. Romy Schneider est également souvent absente à cause de son métier : les rapports du couple se dégradent dès 1979 et ils divorcent en 1981. La mort de l'actrice, brutale et prématurée, survient l'année suivante, en 1982. Dès lors, Sarah Biasini est confiée à son père et à ses grands-parents paternels auprès de qui elle va vivre loin des projecteurs. Dans une interview accordée à "Elle" en ce jeudi 24 décembre 2020, Sarah Biasini s'ouvre plus que jamais. La femme maintenant âgée de 43 ans a épanché dans un ouvrage ses joies, ses peines et ses angoisses. "La beauté du ciel" paraîtra chez Stock le 6 janvier prochain. À nos confrères, Sarah Biasini confie que c'est le 1er mai 2017 qu'elle a eu un déclic et qu'elle a décidé d'écrire sur sa mère.
Une tombe profanée
Ce jour-là, la tombe de Romy Schneider où elle repose également près de son fils David, est profanée. Sarah Biasini évoque cet instant où elle s'est retrouvée face à l'horreur et que tous ses souvenirs sont remontés à la surface. Pour celle qui est désormais maman d'une petite Anna, pas question de tronquer la réalité de son enfance, qu'elle affirme heureuse. "Toute mon enfance, j'ai été entourée, aimée, je n'ai pas eu de manque de caresses, de tendresse", se confie-t-elle.
En revanche, le manque est bien présent : "c'est la femme, aujourd'hui, qui me manque. Je me demande quelles conversations, quels rapports j'aurais avec elle", ajoute Sarah Biasini. La comédienne se dit en paix avec son passé et ravie d'avoir enfin pu faire un pas vers sa maman. "Je me dis que (...) c'est bien, aujourd'hui, de m'être tournée vers elle", conclut-elle. Il faut dire que c'est aussi un moyen de se réapproprier une histoire qui semble appartenir à tout le monde. Romy Schneider avait certes ses démons, mais qui mieux que son enfant est habilité à l'évoquer ?
Laurie Brachet
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17h11 dans Presse - 2020, Revue Voici | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Point de Vue - 22 décembre 2020
Nous sommes trois jours avant Noël. Subjugué, le public viennois redécouvre Élisabeth d'Autriche sous les traits ravissants de la si jeune Romy Schneider. Le film est un triomphe, assurant à sa vedette une gloire aussi immédiate que durable. Et pesante...
Mai 1955. L'Autriche retrouve sa souveraineté. Cependant, des années d'humiliations ne s'effacent pas d'un coup de baguette magique et la population, en proie à la nostalgie d'un passé plus glorieux, éprouve le besoin de se divertir. Le réalisateur Ernst Marischka songe à une grande production romantique sur une figure clé de cette époque où Vienne régnait sur un empire, Élisabeth d’Autriche, surnommée affectueusement "Sissi" par ses concitoyens.
Rien n'est trop beau pour l'évocation de la populaire souveraine. Entre les rives du Danube, le château de Schönbrunn et les lacs de Bavière, les lieux retenus pour le tournage sont magnifiques, les costumes somptueux et la distribution parfaite: le beau et racé Karlheinz Böhm interprète l'empereur François-Joseph, Gustav Knuth est le duc Max de Bavière, Magda Schneider est la duchesse Ludovica. C'est la fille de cette dernière, Rosa Maria Magdalena, surnommée Romy, qui joue le rôle titre. Rosa Maria Magdalena Schneider, une jeune première de 16 ans, triomphe dans "Sissi" devant un public en proie à la nostalgie d'un passé glorieux.
La jeune première n'a que 16 ans. Mais elle a déjà quatre films à son actif (dont trois aux côtés de sa mère) et un succès, "Les Jeunes Années d'une reine" ainsi qu'une jolie hérédité. Romy a, en effet, pour père le comédien Wolf Albach-Retty et pour grand-mère, Rosa Retty. L'équivalent allemand de notre Sarah Bernhardt et qui fut, accessoirement, la favorite de l'empereur...
La mièvrerie du personnage agace Romy
Sorti le 22 décembre 1955 sur les écrans viennois, puis allemands, Sissi provoque un délire : ses 6.538.000 spectateurs détrônent Autant en emporte le vent ! C'est un véritable raz de marée qui déferle en Europe. Déclaré "oeuvre d'utilité publique" en Autriche, Sissi est projeté gratuitement dans les écoles.
Naturellement, Ernst Marischka s'attelle à une suite. Romy fait la moue, la mièvrerie du personnage l'agace. Elle cède néanmoins devant le directeur des studios, Herbert Tischendorf. Docile en apparence, elle bout en son for intérieur : "Je ne suis ni charmante ni délicieuse, et j'aspire à prouver mes qualités et mon tempérament d'actrice, qui refuse de se laisser enfermer dans une catégorie bien typée de rôles concoctés pour elle. Je ferai tout ce qui est mon pouvoir pour me libérer au plus vite de cette image de Sissi qui me colle à la peau", confie-t-elle à "Peggy", le journal intime qu'elle a commencé à 13 ans. Sorti en 1956, Sissi impératrice suscite un engouement identique, avec 6.385.000 spectateurs.
Romy renâcle, mais le public en redemande. Devant sa répulsion à faire un troisième opus, le ministère de l'Éducation nationale autrichien intervient, créditant les "Sissi" d' "une haute valeur historique". Romy cède, pour la dernière fois. En 1957, cent vingt neuf copies de "Sissi face à son destin" sont projetées simultanément dans toutes les capitales d'Europe. Nouveau triomphe. Mais il n'y aura pas de quatrième volet. "Sissi", c'est fini.
Romy choisit d'exercer sa liberté toute neuve dans Jeunes Filles en uniforme. Suit en 1958, "Christine", un remake du "Liebelei" d'Ophuls. Le tournage est le théâtre d'une idylle de conte de fées, entre l'enfant chérie de l'Autriche et et l'étoile montante du cinéma français Alain Delon. "Les fiancés de l'Europe" donnent une image resplendissante de la réconciliation franco-allemande.
Par amour, Romy suit Alain à Paris. Elle y rencontre Luchino Visconti, qui la dirige dans "Dommage qu'elle soit une putain", puis dans "Boccace 70". Elle tourne ensuite avec Orson Welles et s'envole pour Hollywood. En 1963, la séparation d'avec Alain crucifie Romy mais sa carrière est dorénavant lancée. Il ne lui reste qu'à trouver son mentor, en la personne de Claude Sautet. Rencontre décisive, en 1970, qui débouchera sur cinq films.
Romy Schneider est invitée d'honneur au Festival de Cannes 1971. Elle doit remettre une récompense à Visconti. "J'ai envie de te proposer un rôle que tu connais déjà..." Romy, qui vient d'interpréter une prostituée dans "Max et les ferrailleurs", sourit "Je vois... une putain ?" "Pas du tout, répond le réalisateur. Elisabeth !" Enfin ! L'occasion se présente de tordre le cou au fantôme de la "Sissi" sucrée qui n'a jamais laissé la comédienne en paix...
Bien que le rôle soit mineur comparé à celui de Louis II de Bavière, le cousin d'Elisabeth, joué par Helmut Berger, Romy accepte avec enthousiasme. Loin des clichés véhiculés par Ernst Marischka, "Ludwig" lui permet d'appréhender des facettes insoupçonnées dans le tempérament de son célèbre modèle.
"Il n'existe aucune commune mesure entre la Sissi de jadis et mon rôle d'aujourd'hui. Je découvre dans le caractère d'Elisabeth des traits qui ne me sont pas étrangers." Les deux femmes partagent une beauté éclatante et un tempérament rebelle. Elles mènent une enfance préservée dans les montagnes bavaroises. Elles sont arrachées à leur havre de paix, adolescentes, pour connaître une gloire fulgurante et pesante : à l'une échoient les contraintes de la vie à la cour, à l'autre celle d'une star surexposée. Sous le poids de ce carcan, toutes deux éprouvent le même réflexe : la fuite.
Élisabeth sera sur nommée "l'impératrice locomotive". Quant à Romy, elle balance sans cesse entre France, Autriche et Allemagne. Les deux femmes connaîtront la douleur suprême, la perte irrémédiable d'un enfant. Dans Ludwig, la comédienne campe une magistrale Sissi, à la maturité complexe et ambiguë. Ce beau personnage viscontien n'efface pas celui de Marischka. "Je ne suis plus Sissi, je ne l'ai d'ailleurs jamais été"
Malgré les années, Romy continue d'être associée à la juvénile princesse dans l'imaginaire collectif. "Je hais cette image de "Sissi". Qu'ai-je donné aux hommes en dehors de Sissi, toujours Sissi ? Sissi ? Il y a bien longtemps que je ne suis plus "Sissi", je ne l'ai d'ailleurs jamais été. Je suis une femme de 42 ans. Et je m'appelle Romy Schneider."
Mais les mythes ont la vie dure, contrairement aux acteurs qui les incarnent. Brisée par la mort atroce de son fils David, survenue en juillet 1981, Romy ne lui survit que dix mois. Défaillance provoquée ou non d'un coeur en lambeaux, la comédienne plonge dans le noir inconnu le 29 mai 1982. Figée sur la pellicule, la lumineuse "Sissi" continue, elle, de valser avec grâce.
Isabelle Pia
18h37 dans Presse - 2020, Revue Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0)
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DANS LES ARCHIVES DE TÉLÉRAMA – Le réalisateur culte des années 70 aurait eu cent ans aujourd’hui. Vingt ans après sa mort, notre journaliste saluait ce virtuose de la confusion de vivre, des cafés enfumés et du temps qui passe.
Voilà tout juste vingt ans mourait Claude Sautet. On ne se souvient pas s’il a plu ce 22 juillet 2000, mais on se plaît à imaginer qu’une minute de silence se fit, instinctivement, dans les bistrots, les brasseries, ces lieux qu’il aimait tant filmer. Ou que tout le monde alluma une cigarette, en mémoire de cet adepte de gitanes brunes sans filtre que ses personnages fumaient, à son image, comme des pompiers.
Les nouvelles générations ne cessent de clamer leur admiration pour son cinéma : elles trouvent des préoccupations éternelles chez ce grand bâtisseur de fictions dont le seul « défaut », pour certains cinéphiles, était d’avoir plongé dans l’âme humaine sans chercher à épouser le style de la Nouvelle Vague. Enfin balayé, le cliché du cinéaste sociologique des années Pompidou puis Giscard, et des petits-bourgeois qui se posent des questions ! D’ailleurs, le film dont il était le plus fier, et qu’il revendiquait comme le plus personnel, reste "Max et les Ferrailleurs" (1971), polar ultrastylisé où une prostituée solaire (Romy Schneider) bouscule les certitudes d’un policier glacial (Michel Piccoli). Le vrai cœur de son cinéma est aujourd’hui lumineux pour tous : l’angoisse et la confusion de vivre. "Les choses n’arrivent jamais comme on croit. C’est le sujet de tous mes films", assurait-il.
Comment Claude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge, dans la proche banlieue parisienne, et qui rêvait, enfant, d’être clown ou évêque, devint-il le grand météorologue des sentiments ? Grâce à sa grand-mère maternelle, qui, lorsqu’il est enfant, trouve tous les prétextes pour l’emmener voir des films d’amour. Puis grâce à tous ces films noirs et ces westerns qu’il découvre, à l’adolescence, comme ceux de Howard Hawks dont il aime la mise en scène «invisible".
Monteur sous l’Occupation
Après un passage par les Arts décoratifs, il fait donc l’Idhec (la Fémis actuelle). Intrigué par la manière dont un film est construit, il cherche, ensuite, à devenir monteur. Pensant aider le destin, il inscrit "monteur" sur sa carte de travail, nécessaire en ces temps d’Occupation. Huit jours plus tard, il est convoqué à la Kommandantur, où il est considéré comme… monteur-ajusteur. Pour éviter le service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, il part dans le Jura travailler dans un centre d’enfants de délinquants.
Dans les années 1950, assistant de nombreux réalisateurs, dont Jacques Becker, il commence à collaborer à l’écriture de films — inaboutis. Jusqu’à la fin de sa carrière, il restera un sauveur de scénarios : un "ressemeleur", comme disait François Truffaut. C’est le cas, en 1959, pour "Le fauve est lâché", de Maurice Labro, grâce à qui il rencontre Lino Ventura. Quelque temps plus tard, l’acteur lui met entre les mains le roman de José Giovanni, "Classe tous risques" : "Tu veux réaliser un film ? Lis ça cette nuit et donne-moi ta réponse demain avant 10 heures". Dans ce premier long métrage, déjà, Sautet filme la solidarité masculine, mais entre truands.
Pendant les trois ans qui suivent, il travaille sur des adaptations, sans succès, collabore même quatre mois avec l’écrivain Dino Buzzati sur l’adaptation du Désert des Tartares. En vain. Sautet pense alors arrêter le cinéma pour devenir peintre d’appartements. "Au moins, se dit-il, il aura le temps de bouquiner pendant que la première couche sèche…"
Des hommes qui doutent et qui fuient
La mise en scène, pourtant, le démange, et le bon bouquin arrive : "Ont-ils des jambes ?" Une singulière série noire de Charles Williams, avec un capitaine de bateau qui sera incarné, à nouveau, par Lino Ventura. Souvent, la vie ressemble à un (futur) film de Sautet. En 1965, au moment où sort "L’arme à gauche", son père, qu’il avait peu connu, et qui avait ouvert un bistrot en face du cimetière du Montparnasse à Paris, est hospitalisé. Fier que son fils fasse du cinéma, il lui balance quand même, mourant : "L’arme à gauche", tu aurais pu trouver un autre titre…"
Mais c’est avec Pierre (Michel Piccoli), le quadragénaire des "Choses de la vie" (1970), que le cinéaste entame sa longue liste d’hommes qui doutent et fuient face à la difficulté de vivre. L’accident de voiture au début, filmé en divers ralentis (scène célèbre, composée de soixante-six plans), donne sa puissance tragique à un banal dilemme amoureux. La voiture : habitacle omniprésent dans le cinéma de Sautet, avec, derrière les vitres souvent mouillées de pluie, des hommes qui restent silencieux devant la franchise des femmes. Ou au volant desquelles ils fanfaronnent, comme le César (Yves Montand) de "César et Rosalie" (1972), patron d’une casse de métaux, qui ne supporte pas qu’on le dépasse et accélère jusqu’à une sortie de route en plein champ. Une première version du scénario existait depuis 1963, avec Vittorio Gassman et Annie Girardot dans les rôles principaux. Gassman avait refusé le rôle de César (pas question de jouer un cocu !), qui, à l’origine, finançait des courses de moto. En 1972, Sautet reprend tout de zéro avec Jean-Loup Dabadie, son complice en écriture depuis "Les choses de la vie".
Il pense à Catherine Deneuve pour incarner Rosalie, mais l’actrice tarde à répondre, tandis que Romy Schneider le harcèle : "Rosalie, c’est moi !" Yves Montand n’est pas très chaud, lui non plus, à l’idée d’incarner un homme trompé. Simone Signoret, qui aime beaucoup Romy, finit par convaincre son compagnon, dont Sautet veut exploiter le côté "enfantin et un peu menteur". Le tournage est tendu : Montand écrase de sa superbe Samy Frey, tétanisé, qui se demande comment faire exister son personnage de David. Romy, agacée par Montand, ne cesse de répéter : "Il me fait chier, celui-là !" Puis les rapports finissent par s’inverser, et Yves, véritable petit garçon, demande sans arrêt : "Mais c’est bien pour moi que Rosalie revient à la fin ?" Sautet, lui, comme à son habitude, bouillonne et éructe, en quête de vérité de la part de ses interprètes : "Pas assez vivant ! Recommence ! Pas de pudeur !"
Des voies sans issue
Au volant, les hommes, aussi, s’embourbent. Au sens propre. Dans "Mado" (1976) — sa "petite fresque sombre" —, Piccoli incarne Simon, un promoteur aux prises avec des margoulins, qui échoue à garder "Mado", fille du peuple indépendante, et seule figure vitale du film. Quittant l’autoroute, après une parenthèse arrosée, Simon, son père, son cousin, l’avocat, l’architecte et le comptable s’enlisent dans la gadoue d’une voie sans issue… Une séquence qui résume bien le cinéma de Sautet, éternelle étude de l’empêchement face à la crise sociale et intime. D’où l’importance des bistrots et des brasseries, derniers havres de partage, où l’amitié s’épanche et se consolide sur le zinc. Les cafés sont aussi, pour lui, l’occasion de véritables ballets, de clients comme de serveurs ("Garçon" !, 1983). Aux Arts-Déco, grâce à un copain, Sautet avait découvert Debussy, Ravel, Stravinsky, et le jazz. Souvent, ce grand mélomane disait qu’il préférait la musique — "un art de la durée, non explicite" — au cinéma, et que le sujet de ses films l’intéressait moins que la manière dont ils se déroulent et dont les sentiments s’y enchaînent.
L’amitié, refuge des quinquas fatigués
Quand ce n’est pas autour d’un café ou d’une Suze, l’amitié circule dans des maisons de bord de mer ou à la campagne, comme dans "Vincent, François, Paul et les autres" (1974), qui raconte à merveille une époque finissante. Envolées, les Trente Glorieuses ! La première grande crise d’après-guerre se profile, et les quinquas sont fatigués. Ils sont restés des gosses, et les femmes, elles, se lassent de ces hommes immatures. À travers le personnage de Jean (Gérard Depardieu), Sautet raconte aussi la nouvelle génération, en passe de se confronter à d’autres épreuves. Sur le tournage, le réalisateur s’emploie à apaiser la guéguerre d’ego entre les "trois Italiens" — Montand, Piccoli et Reggiani. Mais éclate de rire quand, dans la célèbre scène du gigot, Piccoli le surprend en imitant une de ses colères homériques.
Romy Schneider et Claude Sautet : l’état de grâce
Après ce titre plein de prénoms masculins, et surtout "Mado", où les hommes ne trouvent plus d’issue, place, une bonne fois, aux femmes, si fortes et décidées, et à "Une histoire simple" (1978), le long métrage que Sautet avait promis à Romy pour ses 40 ans. Ce grand film est l’un des premiers à faire de l’avortement un ressort dramatique, alors que la loi Veil n’est en place que depuis trois ans. Et il y privilégie, pour une fois, le quotidien de l’amitié féminine.
Et la solitude qu’on perçoit si souvent dans son œuvre ? L’incapacité à aimer sans détruire ? Chez Sautet, l’homme est perdu d’avance quand rien ne le rattache aux autres. Avec "Un mauvais fils" (1980), il se concentre sur le rapport père-fils. Ils étaient rares, les metteurs en scène capables de calmer les tourments de Patrick Dewaere. Fier d’avoir été préféré à Depardieu (un temps envisagé), et très impressionné par Sautet, l’acteur arrive tous les jours sur le tournage à 6 h 30, en forme et le doigt sur la couture du pantalon pour ne pas le décevoir, alors que, comme son personnage, il se débat avec de gros problèmes de drogue.
Jacques Fieschi remplace Jean-Loup Dabadie
À la suite de ce film, le cinéaste change de scénariste — Jacques Fieschi remplace Jean-Loup Dabadie —, et de doubles à l’écran. Après Piccoli et Montand, Daniel Auteuil incarnera, par deux fois, une masculinité solitaire, fermée aux sentiments. Il a, d’abord, le cœur en hibernation dans "Quelques jours avec moi" (1988), drame tragicomique (et antibourgeois) sur un riche héritier dépressif. Puis sera carrément frigide affectivement dans Un cœur en hiver (1991), le chef-d’œuvre de Sautet. Stéphane, si désenchanté, y séduit la violoniste Camille (Emmanuelle Béart), finissant — dans une voiture ! — par assommer la jeune femme d’un "Je ne vous aime pas" coupant comme la glace.
En 1995, il pleut toujours dans "Nelly et M.Arnaud", dernier film de ce virtuose du temps qui passe, du trop tôt et du trop tard, des hommes poules mouillées, et des femmes qui courent sans parapluie. Michel Serrault devient son double, mimétique, face à Emmanuelle Béart, encore. Un vieil homme raconte sa vie à une jeune femme qui a la sienne devant elle, tout en vidant sa bibliothèque. Il se "délivre", comme disait le cinéaste. Scène inoubliable : monsieur Arnaud regarde dormir Nelly. Elle se réveille, lui sourit, se rendort. Ce sourire confiant pourrait être celui que toutes les femmes aimeraient adresser à Claude Sautet.
Par Guillemette Odicino
Publié le 23 février 2024
16h08 dans Film-1969-Choses Vie, Presse - 2020, Revue Télérama | Lien permanent | Commentaires (0)