Blu-Ray - 1 disque
Studio : StudioCanal
Langues : Allemand, français
Sous-titres : Allemands
Bonus : ?
Sortie le : 08 avril 2021
Prix : ~ 14 euros
Disponible à la commande sur Amazon.de
09h23 dans En blu-ray !, Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
25 films sont en compétition lors de cette 23ème édition du Festival de cinéma à Cannes. Parmi eux, Les Choses de la vie, le dernier film du cinéaste français Claude Sautet, sur un scénario de Jean-Loup Dabadie, adapté d'un roman de Paul Guimard.
Comme le veut la tradition, c'est entouré de ses principaux comédiens, à savoir Romy Schneider, Léa Massari et Michel Piccoli que le réalisateur présente son long métrage en conférence de presse à des journalistes peu inspirés.
20h03 dans Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (2)
Article intérieur : 4 pages |
DANS LES ARCHIVES DE TÉLÉRAMA – Le réalisateur culte des années 70 aurait eu cent ans aujourd’hui. Vingt ans après sa mort, notre journaliste saluait ce virtuose de la confusion de vivre, des cafés enfumés et du temps qui passe.
Voilà tout juste vingt ans mourait Claude Sautet. On ne se souvient pas s’il a plu ce 22 juillet 2000, mais on se plaît à imaginer qu’une minute de silence se fit, instinctivement, dans les bistrots, les brasseries, ces lieux qu’il aimait tant filmer. Ou que tout le monde alluma une cigarette, en mémoire de cet adepte de gitanes brunes sans filtre que ses personnages fumaient, à son image, comme des pompiers.
Les nouvelles générations ne cessent de clamer leur admiration pour son cinéma : elles trouvent des préoccupations éternelles chez ce grand bâtisseur de fictions dont le seul « défaut », pour certains cinéphiles, était d’avoir plongé dans l’âme humaine sans chercher à épouser le style de la Nouvelle Vague. Enfin balayé, le cliché du cinéaste sociologique des années Pompidou puis Giscard, et des petits-bourgeois qui se posent des questions ! D’ailleurs, le film dont il était le plus fier, et qu’il revendiquait comme le plus personnel, reste "Max et les Ferrailleurs" (1971), polar ultrastylisé où une prostituée solaire (Romy Schneider) bouscule les certitudes d’un policier glacial (Michel Piccoli). Le vrai cœur de son cinéma est aujourd’hui lumineux pour tous : l’angoisse et la confusion de vivre. "Les choses n’arrivent jamais comme on croit. C’est le sujet de tous mes films", assurait-il.
Comment Claude Sautet, né le 23 février 1924 à Montrouge, dans la proche banlieue parisienne, et qui rêvait, enfant, d’être clown ou évêque, devint-il le grand météorologue des sentiments ? Grâce à sa grand-mère maternelle, qui, lorsqu’il est enfant, trouve tous les prétextes pour l’emmener voir des films d’amour. Puis grâce à tous ces films noirs et ces westerns qu’il découvre, à l’adolescence, comme ceux de Howard Hawks dont il aime la mise en scène «invisible".
Monteur sous l’Occupation
Après un passage par les Arts décoratifs, il fait donc l’Idhec (la Fémis actuelle). Intrigué par la manière dont un film est construit, il cherche, ensuite, à devenir monteur. Pensant aider le destin, il inscrit "monteur" sur sa carte de travail, nécessaire en ces temps d’Occupation. Huit jours plus tard, il est convoqué à la Kommandantur, où il est considéré comme… monteur-ajusteur. Pour éviter le service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, il part dans le Jura travailler dans un centre d’enfants de délinquants.
Dans les années 1950, assistant de nombreux réalisateurs, dont Jacques Becker, il commence à collaborer à l’écriture de films — inaboutis. Jusqu’à la fin de sa carrière, il restera un sauveur de scénarios : un "ressemeleur", comme disait François Truffaut. C’est le cas, en 1959, pour "Le fauve est lâché", de Maurice Labro, grâce à qui il rencontre Lino Ventura. Quelque temps plus tard, l’acteur lui met entre les mains le roman de José Giovanni, "Classe tous risques" : "Tu veux réaliser un film ? Lis ça cette nuit et donne-moi ta réponse demain avant 10 heures". Dans ce premier long métrage, déjà, Sautet filme la solidarité masculine, mais entre truands.
Pendant les trois ans qui suivent, il travaille sur des adaptations, sans succès, collabore même quatre mois avec l’écrivain Dino Buzzati sur l’adaptation du Désert des Tartares. En vain. Sautet pense alors arrêter le cinéma pour devenir peintre d’appartements. "Au moins, se dit-il, il aura le temps de bouquiner pendant que la première couche sèche…"
Des hommes qui doutent et qui fuient
La mise en scène, pourtant, le démange, et le bon bouquin arrive : "Ont-ils des jambes ?" Une singulière série noire de Charles Williams, avec un capitaine de bateau qui sera incarné, à nouveau, par Lino Ventura. Souvent, la vie ressemble à un (futur) film de Sautet. En 1965, au moment où sort "L’arme à gauche", son père, qu’il avait peu connu, et qui avait ouvert un bistrot en face du cimetière du Montparnasse à Paris, est hospitalisé. Fier que son fils fasse du cinéma, il lui balance quand même, mourant : "L’arme à gauche", tu aurais pu trouver un autre titre…"
Mais c’est avec Pierre (Michel Piccoli), le quadragénaire des "Choses de la vie" (1970), que le cinéaste entame sa longue liste d’hommes qui doutent et fuient face à la difficulté de vivre. L’accident de voiture au début, filmé en divers ralentis (scène célèbre, composée de soixante-six plans), donne sa puissance tragique à un banal dilemme amoureux. La voiture : habitacle omniprésent dans le cinéma de Sautet, avec, derrière les vitres souvent mouillées de pluie, des hommes qui restent silencieux devant la franchise des femmes. Ou au volant desquelles ils fanfaronnent, comme le César (Yves Montand) de "César et Rosalie" (1972), patron d’une casse de métaux, qui ne supporte pas qu’on le dépasse et accélère jusqu’à une sortie de route en plein champ. Une première version du scénario existait depuis 1963, avec Vittorio Gassman et Annie Girardot dans les rôles principaux. Gassman avait refusé le rôle de César (pas question de jouer un cocu !), qui, à l’origine, finançait des courses de moto. En 1972, Sautet reprend tout de zéro avec Jean-Loup Dabadie, son complice en écriture depuis "Les choses de la vie".
Il pense à Catherine Deneuve pour incarner Rosalie, mais l’actrice tarde à répondre, tandis que Romy Schneider le harcèle : "Rosalie, c’est moi !" Yves Montand n’est pas très chaud, lui non plus, à l’idée d’incarner un homme trompé. Simone Signoret, qui aime beaucoup Romy, finit par convaincre son compagnon, dont Sautet veut exploiter le côté "enfantin et un peu menteur". Le tournage est tendu : Montand écrase de sa superbe Samy Frey, tétanisé, qui se demande comment faire exister son personnage de David. Romy, agacée par Montand, ne cesse de répéter : "Il me fait chier, celui-là !" Puis les rapports finissent par s’inverser, et Yves, véritable petit garçon, demande sans arrêt : "Mais c’est bien pour moi que Rosalie revient à la fin ?" Sautet, lui, comme à son habitude, bouillonne et éructe, en quête de vérité de la part de ses interprètes : "Pas assez vivant ! Recommence ! Pas de pudeur !"
Des voies sans issue
Au volant, les hommes, aussi, s’embourbent. Au sens propre. Dans "Mado" (1976) — sa "petite fresque sombre" —, Piccoli incarne Simon, un promoteur aux prises avec des margoulins, qui échoue à garder "Mado", fille du peuple indépendante, et seule figure vitale du film. Quittant l’autoroute, après une parenthèse arrosée, Simon, son père, son cousin, l’avocat, l’architecte et le comptable s’enlisent dans la gadoue d’une voie sans issue… Une séquence qui résume bien le cinéma de Sautet, éternelle étude de l’empêchement face à la crise sociale et intime. D’où l’importance des bistrots et des brasseries, derniers havres de partage, où l’amitié s’épanche et se consolide sur le zinc. Les cafés sont aussi, pour lui, l’occasion de véritables ballets, de clients comme de serveurs ("Garçon" !, 1983). Aux Arts-Déco, grâce à un copain, Sautet avait découvert Debussy, Ravel, Stravinsky, et le jazz. Souvent, ce grand mélomane disait qu’il préférait la musique — "un art de la durée, non explicite" — au cinéma, et que le sujet de ses films l’intéressait moins que la manière dont ils se déroulent et dont les sentiments s’y enchaînent.
L’amitié, refuge des quinquas fatigués
Quand ce n’est pas autour d’un café ou d’une Suze, l’amitié circule dans des maisons de bord de mer ou à la campagne, comme dans "Vincent, François, Paul et les autres" (1974), qui raconte à merveille une époque finissante. Envolées, les Trente Glorieuses ! La première grande crise d’après-guerre se profile, et les quinquas sont fatigués. Ils sont restés des gosses, et les femmes, elles, se lassent de ces hommes immatures. À travers le personnage de Jean (Gérard Depardieu), Sautet raconte aussi la nouvelle génération, en passe de se confronter à d’autres épreuves. Sur le tournage, le réalisateur s’emploie à apaiser la guéguerre d’ego entre les "trois Italiens" — Montand, Piccoli et Reggiani. Mais éclate de rire quand, dans la célèbre scène du gigot, Piccoli le surprend en imitant une de ses colères homériques.
Romy Schneider et Claude Sautet : l’état de grâce
Après ce titre plein de prénoms masculins, et surtout "Mado", où les hommes ne trouvent plus d’issue, place, une bonne fois, aux femmes, si fortes et décidées, et à "Une histoire simple" (1978), le long métrage que Sautet avait promis à Romy pour ses 40 ans. Ce grand film est l’un des premiers à faire de l’avortement un ressort dramatique, alors que la loi Veil n’est en place que depuis trois ans. Et il y privilégie, pour une fois, le quotidien de l’amitié féminine.
Et la solitude qu’on perçoit si souvent dans son œuvre ? L’incapacité à aimer sans détruire ? Chez Sautet, l’homme est perdu d’avance quand rien ne le rattache aux autres. Avec "Un mauvais fils" (1980), il se concentre sur le rapport père-fils. Ils étaient rares, les metteurs en scène capables de calmer les tourments de Patrick Dewaere. Fier d’avoir été préféré à Depardieu (un temps envisagé), et très impressionné par Sautet, l’acteur arrive tous les jours sur le tournage à 6 h 30, en forme et le doigt sur la couture du pantalon pour ne pas le décevoir, alors que, comme son personnage, il se débat avec de gros problèmes de drogue.
Jacques Fieschi remplace Jean-Loup Dabadie
À la suite de ce film, le cinéaste change de scénariste — Jacques Fieschi remplace Jean-Loup Dabadie —, et de doubles à l’écran. Après Piccoli et Montand, Daniel Auteuil incarnera, par deux fois, une masculinité solitaire, fermée aux sentiments. Il a, d’abord, le cœur en hibernation dans "Quelques jours avec moi" (1988), drame tragicomique (et antibourgeois) sur un riche héritier dépressif. Puis sera carrément frigide affectivement dans Un cœur en hiver (1991), le chef-d’œuvre de Sautet. Stéphane, si désenchanté, y séduit la violoniste Camille (Emmanuelle Béart), finissant — dans une voiture ! — par assommer la jeune femme d’un "Je ne vous aime pas" coupant comme la glace.
En 1995, il pleut toujours dans "Nelly et M.Arnaud", dernier film de ce virtuose du temps qui passe, du trop tôt et du trop tard, des hommes poules mouillées, et des femmes qui courent sans parapluie. Michel Serrault devient son double, mimétique, face à Emmanuelle Béart, encore. Un vieil homme raconte sa vie à une jeune femme qui a la sienne devant elle, tout en vidant sa bibliothèque. Il se "délivre", comme disait le cinéaste. Scène inoubliable : monsieur Arnaud regarde dormir Nelly. Elle se réveille, lui sourit, se rendort. Ce sourire confiant pourrait être celui que toutes les femmes aimeraient adresser à Claude Sautet.
Par Guillemette Odicino
Publié le 23 février 2024
16h08 dans Film-1969-Choses Vie, Presse - 2020, Revue Télérama | Lien permanent | Commentaires (0)
Blu-Ray - 1 disque
Studios : StudioCanal
Langue : Français
Sous-titres : Français
Bonus : ?
Date de sortie : 1er août 2020
Prix = ~ 15 euros
Disponible à la commande sur Amazon.fr
10h13 dans En blu-ray !, Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Première.fr - 21 mars 2020
A l'occasion du 50e anniversaire des "Choses de la vie", nous mettons en ligne notre dossier spécial consacré au chef-d'oeuvre de Claude Sautet publié dans le Première Classics n°4 (avec "Les Dents de la mer" en couverture). Le sujet principal est à lire ici, et voici notre entretien avec Philippe Sarde, le compositeur du film, qui a travaillé étroitement avec le cinéaste.
A quel stade de la production des Choses de la vie rencontrez-vous, pour la première fois, Claude Sautet ? En 1969, alors que le film est déjà tourné et pré-monté. J’ai 16 ans et c’est l’un des producteurs, Jean Bolvary, qui connaît mon père et m’appelle. Il n’ignore pas que je veux devenir metteur en scène, mais il sait également que, bien que très jeune, je compose, ayant fait le Conservatoire, avec une mère chanteuse d’opéra et Georges Auric pour parrain. Il me dit : "Cela t’intéresserait de faire la musique des Choses de la vie, que je co-produis ?" Je ne le lui avoue pas, mais j’avais lu le roman de Guimard, que je trouvais inadaptable. Je demande alors à Bolvary le nom du metteur en scène. Sautet, qui n’a plus réalisé de films depuis longtemps, ne fait pas partie de mon paysage. Les interprètes ? Romy Schneider n’est encore, pour moi, que "Sissi". Reste Michel Piccoli, que je connais pour des seconds rôles, et que j’estime. Bolvary propose que Sautet vienne chez moi, le lendemain à 19h.
Entre-temps, je cherche à savoir comment le récit des Choses de la vie a pu être transposé à l’écran. Je trouve, dans la revue Le technicien du film, un résumé du scénario de Dabadie qui, à travers l’évocation de l’accident, m’éclaire sur son adaptation et m’inspire. Revenu à la maison, j’écris une quinzaine de mesures. J’ai, déjà, le thème du film…
Sur quelle tonalité ? Qu’est-ce qui vous inspire ?
Le climat. J’écris en La mineur. C’est une tonalité qui amène bien le drame. La mélodie, dessus, pouvant être celle d’Hélène-Romy Schneider.
Comment se passe votre entrevue avec Sautet ?
Je le reçois en pyjama. Il est en complet veston. Très vite, je suis touché par ses yeux bleu, remplis d’émotion. Il m’affirme qu’aucun compositeur ne lui convient et me dit : "Tant qu’on n’a pas trouvé, on cherche toujours." Je lui raconte que j’ai écrit deux chansons pour Régine, mais ne lui parle pas des deux courts-métrages que j’ai réalisé. Finalement, je me mets au piano pour lui jouer les quelques mesures du thème que j’ai trouvé. Il est assis à ma droite, en retrait. Et je n’entends aucune réaction. Je me retourne et vois, alors, Claude en larmes, qui me dit : "C’est exactement cela que je recherche ! Vous êtes libre demain ? Je vous organise une projection du film, à Epinay."
Votre collaboration démarre, pour ne plus s’arrêter. Plus tard, Sautet dira de vous : "C’est un vrai cinéphile. Paradoxalement, je suis plus musicologue. Cela créé un équilibre entre nous. La cinéphilie de Philippe m’a été aussi précieuse que ses qualités musicales." De quelle manière ?
Par une collaboration à tous les niveaux, en amont, "Les Choses de la vie" étant le seul de ses films où je suis arrivé après. Ainsi, à l’issue de cette première projection à Epinay, je dis à Claude : "Qu’est ce que Romy Schneider est belle !", mais j’ajoute aussitôt que l’accident n’est pas "emmené" comme il devrait l’être ; ni au générique qui n’est pas encore monté, ni via les plans au ralenti de l’accident sous forme de flash-backs qui, bien qu’écrits par Dabadie et tournés, avaient été enlevés par Claude au montage. D’où une absence d’empathie avec le personnage de Piccoli. En mettant le doigt sur ce qui ne va pas et sur la clef de la narration, j’interpelle Sautet. Lequel, convaincu, demande immédiatement à sa monteuse Jacqueline Thiédot de réintégrer les flash-backs. Puis, il me dit que j’ai un mois pour écrire la totalité de la musique…
Qui sont vos modèles parmi les compositeurs de films ?
Il y a les Français : Auric, Misraki, Van Parys, Cloërec. Puis les Américains, Herrmann et Mancini. Enfin, mon ami François de Roubaix. Je veux, comme eux, faire avec ma musique un "film parallèle". Je désire aussi changer de registre d’un film à l’autre. Mais je me demande, à l’époque, si l’on va m’y autoriser…
Que vous autorisez-vous pour Les Choses de la vie ?
Un orchestre symphonique de 70 musiciens, et une utilisation des cordes extrêmement divisées. J’applique un mélange cordes, cors et piano qui fonctionne très bien. Pour la brève scène où l’on voit Piccoli et Romy à vélo, j’use d’une petite formation, à base de cordes et de flûtes, en m’inspirant de Vivaldi.
Comment vient l’idée de La chanson d’Hélène, qui n’est pas intégrée dans le film ?
Avec Dabadie, nous nous entendons pour tirer une chanson du thème, Jean-Loup écrivant le texte. Puis, l’on va voir Romy qui, enthousiaste, demande : "Quand est-ce qu’on enregistre ?" Et l’on se retrouve, très vite, aux studios Barclay. Je supprime les cordes, fait mettre des bois, un piano, une harpe. Romy et Michel Piccoli enregistrent en une prise. Claude, présent lors de la séance avec Dabadie et moi, ne pipe mot. Il faut savoir qu’il refusait de mettre des chansons dans ses œuvres par refus du sentimentalisme et par crainte qu’on rapproche ses films de ceux de Lelouch ! Or, il n’y a nulle trahison dans mon esprit. Mais peut-être que, s’il n’y avait pas eu ce respect entre nous, cela aurait emmerdé Claude que le public associe davantage Les choses de la vie à la chanson de Romy qu’au film lui-même…
Avez-vous été pour Sautet ce que Delerue fut pour De Broca ; celui qui, par le lyrisme ou la truculence de sa musique, révélait les sentiments d’un cinéaste trop pudique ?
Certainement. Il me laissait aller, sachant que mon émotion n’était jamais gratuite. Et, pour prendre un exemple, je pense que si je n’avais pas été aussi radical sur "Max et les ferrailleurs", en virant les cordes et les pianos pour les remplacer par des cuivres et des bois à la Stravinsky, Claude n’aurait pas osé être aussi noir, davantage même que dans le roman de Claude Néron.
Avez-vous conscience que la musique des Choses de la vie symbolise, aujourd’hui, la France des années Pompidou dont la nostalgie fait écho à la mélancolie solaire de votre thème ?
Peut-être. Mais s’il y a une chose à laquelle je n’ai jamais pensé, c’est à ça ! Je laisse les autres s’interroger ; ce constat, c’est du chinois pour moi. Même si l’émotion, liée au film et à la voix de Romy, est toujours là…
"Les choses de la vie" c’est d’abord une voiture qui file à toute allure sur les routes de France, percute une camionnette et vient se fracasser contre un arbre éjectant du même coup le corps de son passager sur l’herbe fraîche. Mais comme le cinéma permet des miracles, un retour en arrière corrige les choses, les remet à leur place avant que le drame ne survienne. Le cinéma comme un Dieu tout puissant peut retarder l’inévitable, voire le réinventer. Les choses de la vie, c’est l’histoire de cette réappropriation. L’essence de l’art en somme.
Pour la photogénie de Romy Schneider
Il y avait dans le Sautet des seventies (sa décade glorieuse !) quelque chose de profondément français dans sa façon d’envisager le romanesque à l’écran et d’hollywoodien dans sa manière de regarder Romy Schneider. En revoyant le film aujourd’hui, on est frappé par la manière dont le cinéaste soigne chaque plan de sa muse. Sautet se souvient de l’âge d’or des studios américains, avec ces réalisateurs qui, par contrat, se devaient de sublimer leurs stars. Schneider devant sa machine à écrire au début du film, c’est Hayworth, Garbo, Bacall... A ce degré de sublime, le mot photogénie ne suffit plus.
Pour la chanson d'Hélène
Les choses de la vie marque les débuts de la collaboration de Claude Sautet avec le compositeur Philippe Sarde. Le musicien écrit pour l’occasion le thème entêtant baptisé La chanson d’Hélène, du nom du personnage de Romy Schneider. Avec la complicité de Jean-Loup Dabadie et sans prévenir Sautet, Sarde fait venir l’actrice et Michel Piccoli en studio pour qu’ils posent leur voix sur la mélodie. Cette version chantée et déchirante ne sera finalement pas utilisée dans le film.
Pour la fragilité de Michel Piccoli
Avec Les choses de la vie, Claude Sautet a trouvé son mâle, celui qui peut afficher à la fois grâce, sensualité, fragilité et virilité. Ici, Michel Piccoli c’est d’abord un corps accidenté, inerte allongé dans une herbe fraîche. C’est aussi et surtout une voix grave, mélodieuse et enjôleuse qui peut raconter toutes les histoires du monde, on l’écoutera. Après ces Choses, il n’y aura, entre Sautet et lui, que des films à prénoms : "Max et les ferrailleurs", "Mado", "Vincent, François, Paul et les autres".
Pour avoir sauvé Sautet
"Les choses de la vie" est l’adaptation d’un roman de Paul Guimard. En 1970, Claude Sautet a déjà 46 ans et 3 longs-métrages à son actif. L’échec du dernier ("L’arme à gauche"), incite le cinéaste à se remettre en question. Il change donc de braquet, appelle le parolier à succès Jean-Loup Dabadie (Polnareff, Clerc, Reggiani, Montand…) pour faire vivre cette histoire d’accident de la route. Annie Girardot et Yves Montand puis Lino Ventura déclinent Les choses de la vie. Ça n’empêche pas le film d’être un succès public et d’obtenir le Prix Louis Delluc. En 1994, Mark Rydell signe un inutile remake avec Richard Gere et Sharon Stone, baptisé Intersection. Nul comme titre !
Thomas Baurez
11h11 dans Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : CNC.fr - 18 mars 2020
Retour sur ce film-clé dans la carrière de Claude Sautet, sorti dans les salles françaises en 1970.
L’adaptation d’un roman de Paul Guimard
On connaît l’histoire… Au volant de sa voiture, un architecte, Pierre, est victime d'un accident de la route. Ejecté du véhicule, il gît inconscient au bord de la route et se remémore son passé. Sa vie avec Hélène, une jeune femme qu'il voulait quitter, les souvenirs de sa femme Catherine et de son fils, tout se télescope. Avant de devenir un film, "Les Choses de la vie" a été un roman, écrit par Paul Guimard en 1967. Une œuvre que son auteur – qui vient alors de cosigner avec Antoine Blondin les dialogues d’ "A nous deux Paris !" de Jean-Jacques Vierne – rêve de voir adapté sur grand écran. Il contacte donc le scénariste Jean-Loup Dabadie et le duo se met au travail jusqu'à obtenir une première version du script. Dabadie commence à faire le tour des producteurs avec ce scénario et… tous déclinent. Il se tourne alors vers le seul réalisateur qu’il connaît dans le métier, un certain Claude Sautet. Il lui envoie le scénario avec ce petit mot comme une bouteille à la mer : "Je cherche un metteur en scène, et il n’y a que toi qui puisse me conseiller."
Le retour de Claude Sautet au cinéma après 5 ans d’absence
Claude Sautet connaissait à ce moment-là un creux dans sa carrière. L’échec en 1965 de son polar "L’arme à gauche" l’a éloigné des plateaux de tournage. Il se consacre uniquement à jouer les "script doctors" auprès d’amis cinéastes (Alain Cavalier pour "La chamade", Philippe de Broca pour "Le diable par la queue"). Il reçoit des dizaines de propositions de scénarios à réaliser, mais il dit non à tout. Jusqu'à ce que sa femme Graziella lui fasse passer cette adaptation des "Choses de la vie" que Dabadie avait glissée sous la porte de leur appartement parisien. 70 pages lues d’abord par son épouse qui lui assure qu’il y a un film pour lui. Une seule lecture suffit à Sautet pour en être convaincu, attiré tout particulièrement par la scène d’accident et la manière dont il allait pouvoir la mettre en scène.
Yves Montand et Annie Girardot le premier couple envisagé
Quand Claude Sautet signe son contrat pour réaliser "Les choses de la vie", le casting des deux rôles principaux semble déjà acté. Ce seront Yves Montand et Annie Girardot. Mais Sautet hésite. Il ne veut pas trop clairement évoquer Vivre pour vivre de Lelouch, dont ce duo constituait déjà les têtes d’affiche. Alors il va se battre pour imposer deux nouveaux acteurs. Pour le rôle de Pierre, il réussit à imposer un comédien dont il a admiré la composition dans "Le doulos" de Jean-Pierre Melville, huit ans plus tôt : Michel Piccoli. Sautet envisage d’ailleurs Piccoli comme une sorte de prolongement de lui-même à l’écran et il le dirigera par la suite dans "Max et les ferrailleurs", "Vincent, François, Paul... et les autres", et "Mado" tout en lui confiant la voix du narrateur de "César et Rosalie". Pour le rôle de l’épouse, Catherine, il fait appel à une comédienne à laquelle il avait déjà pensé pour Classe tous risques et "L’arme à gauche" : Léa Massari, qui sera dans la foulée l’héroïne du film-scandale de Louis Malle, "Le souffle au cœur".
La rencontre Claude Sautet-Romy Schneider
Pour le rôle d’Hélène, Claude Sautet sèche. Il pense à toutes les actrices françaises sans jamais être convaincu. C’est son ami Jacques Deray qui lui glisse le nom de Romy Schneider qu’il vient de diriger dans "La piscine". Comme Sautet, la comédienne est alors dans un creux de sa carrière, après avoir décidé de s’éloigner des plateaux suite à la naissance de son fils David. Sautet qui ne la voit toujours que comme l’héroïne de "Sissi" ne l’imagine pas une seconde dans le rôle d’Hélène. A l’invitation de Deray, il va la rencontrer aux studios de Boulogne où se déroule la post-synchronisation des versions anglaise et allemande de "La piscine". C’est là, dans l’ombre d’un couloir, que la simple vision de sa nuque et de son chignon le bouleverse. Au point de ne même pas pouvoir lui adresser la parole. Il l’appellera le lendemain pour qu’ils se rencontrent pour un déjeuner, à l’issue duquel il a non seulement trouvé son Hélène mais une muse. Celle qui le poussera à créer de véritables personnages féminins dans ses films et qu’il dirigera à quatre autres reprises : "Max et les ferrailleurs", "César et Rosalie", "Mado" et "Une histoire simple".
La première B.O. de Philippe Sarde
En cette fin des années 60, Philippe Sarde vient de fêter son vingtième anniversaire. Et il ne sait pas encore très précisément de quoi sera faite sa vie, tiraillé entre deux passions : le cinéma et la musique. Il vient d’ailleurs de terminer un court métrage en noir et blanc et a demandé à Vladimir Cosma de l’aider à l’orchestrer. Pour la musique des "Choses de la vie", Claude Sautet a prévu de faire appel à Georges Delerue qui avait déjà signé la BO de son "Classe tous risques". Mais en cette année 69 celui-ci est indisponible car accaparé sur la production de 6 films : "Le cerveau" de Gérard Oury, "Le diable par la queue" de Philippe de Broca, "Hibernatus" d’Edouard Molinaro, "Promenade avec l’amour et la mort" de John Huston, "Anne des mille jours" de Charles Jarrott et "Love" de Ken Russell. Grâce à l’un des producteurs des "Choses de la vie" qui connaît le père de Sarde, Sautet se tourne vers ce tout jeune compositeur qui va signer sa première BO de film. "Les choses de la vie" est déjà tourné et pré-monté, mais Sarde connaît l’histoire pour avoir lu le roman. Avant le premier rendez-vous avec Sautet, il écrit donc plusieurs morceaux, dont ce qui deviendra le thème des "Choses de la vie". Il les joue au cinéaste qui fond immédiatement en larmes. Sautet lui organise une projection du film le lendemain et l’aventure peut commencer. Philippe Sarde enregistrera cette bande originale avec un orchestre symphonique de 70 musiciens. Ainsi naît la première étape d’une collaboration de 25 ans : Sarde signera les BO de tous les films de Claude Sautet jusqu'à son ultime long métrage, "Nelly et Monsieur Arnaud".
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DVD - 1 disque
Studios : Divisa HV
Langues : ? (français ?)
Sous-titres : Espagnols
Bonus : ?
Sortie le : 04 octobre 2018
Prix : ~ 10 euros
Disponible sur : Amazon.es
21h00 dans En DVD !, Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
Blu-Ray- 1 disque
Studios : Divisa HV
Langues : ? (français ?)
Sous-titres : Espagnols
Bonus : ?
Sortie le : 04 octobre 2018
Prix : ~ 12 euros
Disponible sur : Amazon.es
20h57 dans En blu-ray !, Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
02h13 dans Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
Auteur : ?
Editions : Encyclopaedia Universalis
Format : Kindle
Langue : Français
Taille : 888 KB - 13 pages
Prix : ~ 4 euros
Sortie le : 02 août 2016
A télécharger sur Amazon.fr
Présentation de l'éditeur : Une fiche de référence sur "Les Choses de la vie", un chef-d'oeuvre de Claude Sautet. Connu auparavant comme réalisateur de polars ("Classe tous risques", 1960), Claude Sautet ne voulut pas se spécialiser dans les films d'action, et adapta en 1970 un roman de Paul Guimard, "Les Choses de la vie" (1967). Bien que le sujet principal puisse paraître d'une rare tristesse – il s'agit essentiellement de décrire la mort du héros –, le film rencontra un vif succès en France. Un ouvrage conçu par des spécialistes du cinéma pour tout savoir sur "Les Choses de la vie" de Claude Sautet.
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CD - 3 disques
Compilation
Sortie le : 23 mars 2015
Jean-Loup Dabadie & ses interprètes est le deuxième volume de la collection Les Grandes Plumes de la chanson française, des triples albums consacrés aux auteurs/compositeurs et à leurs interprètes en partenariat avec la Sacem.
L'occasion de retrouver les plus grands textes écrits par Jean-Loup Dabadie pour: Isabelle Boulay, Robert Charlebois, Julien Clerc, Jacques Dutronc, Claude François, Jean Gabin, Johnny Hallyday, Michel Polnareff, Michel Sardou, Serge Reggiani, Sylvie Vartan…
Ce triple album propose également de redécouvrir une sélection de grands sketches pour Guy Bedos, Sophie Daumier et l'inoubliable Maman interprété par Michel et Jackie Sardou. Émotion et rire garantis.
CONTENU : 46 titres réunis en 3CD thématiques : La vie, Le rire, Les larmes.
Disque 1 : La vie
01. On ira tous au paradis - Michel Polnareff
02. L'italien - Serge Reggiani
03. Ma préférence - Julien Clerc
04. Ta jalousie - Juliette Gréco
05. Femmes je vous aime - Julien Clerc
06. Chanteur de jazz - Michel Sardou
07. J'ai epousé une ombre - Johnny Hallyday
08. J'comprends pas - Jacques Dutronc
09. Un homme - Nicoletta
10. Je danse - Claude François
11. Rêves immoraux - Patrick Juvet
12. Aimer - Sylvie Vartan
13. Né dans un ice-cream - Michel Polnareff
14. Valentin - Yves Montand 15. Maintenant je sais - Jean Gabin
Disque 2 : Le rire
01. Bonne fete Paulette - Guy Bedos
02. Les mauvais coups - Guy Bedos
03. Saint-tropez c'est trop - Guy Bedos
04. Visite au malade - Guy Bedos
05. Le parolier - Guy Bedos
06. Carton rose - Guy Bedos
07. Le fils a papa - Guy Bedos
08. Public mon chéri - Guy Bedos
09. Les filles comme des mouches - Guy Bedos
10. Bibi - Guy Bedos
11. Chapon Gilbert - Guy Bedos
12. Patience aux Batignolles - Sophie Daumier
13. Esprit d'entreprise es-tu la - Guy Bedos
14. Maman - Michel Sardou
Disque 3 : Les larmes
01. Le voyage - Enrico Macias
02. Le petit garçon - Serge Reggiani
03. Reviens, reviens, reviens - Isabelle Boulay
04. L'assassin assassiné - Julien Clerc
05. Meurs pas - Robert Charlebois
06. Le clan des siciliens - Dalida
07. Marie Chenevance - Barbara
08. Lettre à France - Michel Polnareff
09. Il est mort le chanteur - Didier Barbelivien
10. Une maison en France - Sacha Distel
11. Pourquoi faut-il se dire adieu ? - Michel Polnareff
12. La photographie - Emily Loizeau
13. La chanson d'Hélène - Romy Schneider
14. Salut - Michel Sardou
15. Au revoir et merci - Nicole Croisille
16. Le temps qui reste - Serge Reggiani
08h14 dans Film-1969-Choses Vie, Musique / Audio | Lien permanent | Commentaires (0)
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DVD - 1 disque
Studio : StudioCanal
Langues : Allemand, Français
Sous-titres : ?
Bonus : ?
Sortie le : 04 décembre 2014
Prix : ~ 13 euros
Disponible à la commande sur Amazon.de
08h41 dans En DVD !, Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Shangols - 29 juillet 2008
Il est fou de voir la facilité qu'on a à vouloir oublier complètement la fin de certains films; j'avais revu Les Choses de la Vie il y a légèrement plus de deux ans - avant la création de ce blog - et j'avais beau m'être dit et répété que la fin était inoubliable, eh ben non, encore cette fois-ci, jusqu'au bout, j'ai voulu croire au miracle. Claude Sautet parvient, en à peine une heure vingt, avec un accident de caisse et une poignée de flashs-back, à nous rendre crédibles non seulement l'histoire d'amour entre Piccoli et Romy Schneider, leur univers, leur complicité et leurs petits différends, mais également à nous dévoiler tout un pan du passé de Piccoli, son ancienne femme, ses relations avec son fils, sa vie quoi.
Une scène d'ouverture inoubliable, un accident image par image et puis on remonte le fil jusqu'à la journée de la veille. L'histoire tient sur une nappe : Piccoli est amoureux (comment ne pas l'être...) de la Romy mais semble tergiverser, tiraillé entre des images d'une ancienne vie qui lui manque et l'angoisse de s'engager leschosesdelavie9kbdéfinitivement dans une autre aventure, une autre histoire, un autre amour. La construction du film n'est en rien révolutionnaire, certes. Le don de Sautet, avec une grande économie de dialogues, c'est non seulement de nous rendre palpables les sentiments entre les différents personnages, mais surtout de parvenir à illustrer la véritable tempête dans le crâne de Piccoli. Lorsqu'on le retrouve au volant de sa voiture, on plonge littéralement dans ses pensées et, en une multitude de petites séquences, quasi impressionnistes, on découvre tout le tableau de sa vie : son bonheur passé avec une autre femme, son coup de foudre pour le regard de la Romy, ses doutes, ses envies, ses brusques décisions... Ensuite la mécanique du destin est la seule responsable de ce carambolage stupide, une des trois millions de choses incompréhensibles de la vie. Si l'accident de la route nous est conté par le menu, évoqué au départ comme une séquence policière pour finalement s'attacher, dans les moindres petits détails, aux acteurs, malgré eux, de ce drame, toutes les séquences mises en scène auparavant par Sautet portent en elles un véritable souffle de vie : grâce en soit rendue aux acteurs, definitely, mais aussi à l'art de Sautet de dessiner, en un coup de pinceau, une situation d'un "réalisme" aigu : sur le bateau, dans le café, sur le chantier, dans l'appart... Les rares dialogues entre Romy et Piccoli sont, tout autant, d'une justesse remarquable, frappent juste au bon moment ("Je ne veux pas d'une île qui a déjà servi"; "Je ne vois rien sans mes lunettes / T'as qu'à me demander, je te raconterai"; "Tu m'aimes parce que je suis là mais s'il faut traverser la rue parce que je suis de l'autre côté, tu es perdu"); il y a même un unique flash-forward superbement onirique qui concentre tout un bonheur éventuel et le tragique du présent, en faisant simplement le tour de la table d'un repas de mariage...
Claude Sautet n'est peut-être pas celui qui a le plus révolutionné l'art cinématographique; n'empêche que rares sont les films qui sont capables de traverser les décennies sans que la moindre petite ride ne les affecte. Les Choses de la Vie garde en lui un pouvoir émotionnel intact et je ne sais point si je suis ou non romantique mais ce film m'abat comme un chêne scié à la base, à chaque fois.
02h04 dans Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)
Romy Schneider et Michel Piccoli irradient ce drame d’un accident de la route, premier grand succès de Claude Sautet. Prix Louis Delluc 1970.
L’argument : Au volant de sa voiture, Pierre, architecte d’une quarantaine d’années, est victime d’un accident. Éjecté du véhicule, il gît inconscient sur l’herbe au bord de la route. Il se remémore son passé, sa vie avec Hélène, une jeune femme qu’il voulait quitter, sa femme Catherine et son fils...
Notre avis : Après deux films policiers dont l’un, Classe tous risques, à contre-courant de la Nouvelle Vague, est un modèle du genre, Claude Sautet étonna avec Les choses de la vie. On peut considérer cette adaptation d’un roman de Paul Guimard, écrite en collaboration avec Jean-Loup Dabadie, comme le premier véritable jalon de son œuvre d’auteur. On a longtemps dit que Sautet était un cinéaste sociologue de la France des années 70, avec ses notables installés, ses familles nouvellement recomposées et, ajoutons-le, sa tabagie permanente (détail qui tue en revoyant le film !).
C’est un peu réducteur mais il y a une part de vérité. Sautet devient dès ce film le peintre de la moyenne bourgeoisie de son époque. Pierre est le prototype du cadre supérieur coulant une existence professionnelle sereine, en cette fin des Trente Glorieuses. Son intégrité d’architecte face à des promoteurs véreux mais aussi sa relative insouciance, un projet important ne devant pas empiéter sur ses vacances d’été, donnent des pistes quant à sa personnalité publique et au contexte de ce début des années 70. On est dans l’optimisme de l’ère pompidolienne, bien avant le chômage et la précarité évoqués en filigrane dans ses films des années Giscard (Une histoire simple) ou Mitterrand (Quelques jours avec moi). Cette sérénité est somme toute relative, la vie privée de Pierre étant révélatrice de la fragilité croissante des liens conjugaux et familiaux. Les relations avec son père (Henri Nassiet) semblent aussi faussement faciles qu’avec son fils (Gérard Lartigau). Écartelé entre son épouse (Léa Massari, très classe) et sa maîtresse, il ne semble trouver des instants de quiétude qu’à travers l’amitié (Jean Bouise) ou d’anciennes relations d’enfance (Gabrielle Doulcet).
Le petit monde de Claude Sautet, c’est celui des groupes, des communautés, assemblés dans des cafés où l’on règle ses comptes affectifs, ou des repas de famille ou entre amis, réels, ou en trompe-l’œil. : ainsi, un plan fixe montre Pierre et Hélène entrer dans une soirée dont les convives se situent hors-champ, le spectateur étant cloué sur le palier dès la fermeture de la porte ; de même, le repas de mariage fantasmé par Pierre lors de son hospitalisation nous permet-il de voir réunis des individus ayant côtoyé sa vie ces derniers jours avant le drame. On y trouve même le couple pris en stop (Dominique Zardi et Betty Beckers), auquel il s’est identifié, ainsi que l’infirmier (Jacques Richard) qui lui a tendu le masque à oxygène. C’est que la mélancolie et la mort hantent ce film où l’humour et les agréments sont absents, cette noirceur étant d’autant plus manifeste que le récit est celui d’un homme qui se souvient des jalons de son existence au moment de son accident de la route... C’est d’ailleurs à cet égard que le montage des Choses de la vie est fabuleux, le crash de Pierre donnant lieu à une série de flash back judicieusement agencés, avec pour leitmotiv le véhicule conduit par un malheureux bétailleur (Bobby Lapointe). Grand film romanesque porté par la sublime partition de Philippe Sarde, Les choses de la vie obtint le Prix Louis Delluc, connut un grand succès public et marqua un tournant dans la carrière de ses deux interprètes à qui Sautet fera de nouveau appel. Michel Piccoli, sobre et puissant, devint, avec Montand, l’acteur vedette le plus important de la période. Après La piscine, Romy Schneider, superbement belle et émouvante, s’inscrivait définitivement dans le paysage du cinéma français dont elle sera la star jusqu’à sa mort.
02h33 dans Film-1969-Choses Vie, Les critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : Il était une fois le cinéma
Entre la vie et la mort, Michel Piccoli se souvient. Quelle connerie la vie !
Article de Fabien Alloin
"Les Choses de la vie" (1969) semble commencer pas la fin. Pierre (Michel Piccoli) est victime d'un accident de voiture qu’on verra se construire par flash durant tout le film : éjecté du véhicule, dans le coma, il revoit certains moments de son passé. Pendant que les badauds s'attroupent autour de lui, il repense aux deux femmes de sa vie : son ex, Catherine (Léa Massari), et Hélène (Romy Schneider), dont il se sent de moins en moins proche depuis quelques semaines. Pour autant, le fil du récit ne restera pas celui du flashback et la dernière demi-heure sera celle d’un retour au présent, se concentrant sur ce qui se passe après l’accident. Les deux parties sont bien identifiables et quand la première a l'allure d'une classique histoire de couple, la seconde est celle du monologue en voix off d'un homme vivant les derniers instants de sa vie. Claude Sautet adapte le roman éponyme de Paul Guimard sorti deux ans plus tôt et met en images un cliché persistant : avant de mourir, on voit toute notre vie défiler devant nous.
Après les quatre-vingt dix minutes des "Choses de la vie", on peut pertinemment se questionner sur le sujet même du film que l’on vient de voir. Quelle histoire Claude Sautet a-t-il voulu nous raconter ? Quel film a-t-il voulu mettre en scène ? Les personnages joués par Michel Piccoli, Romy Schneider et Léa Massari laissent apparaître la forme d’un trio amoureux classique avec sa mélancolie et ses jalousies mais ce qui intéresse le cinéaste semble ailleurs. Illustration du prétexte de départ - un homme se meurt et le film devant nous est le souvenir de sa vie -, la brillante scène d’accident qui ouvre le film et le construit par flashback est plus encore qu’un gadget. Tout le récit s’articule autour d’elle et si dix jours furent nécessaires pour réaliser cette seule séquence, c’est que le sort des Choses de la vie semblait en dépendre. Rapidement, on comprend que cette scène que l’on nous fera vivre encore et encore est ce qui rend l’ensemble si bancal. Tout à son honneur, ne voulant pas faire reposer Les Choses de la vie uniquement sur ses acteurs, Claude Sautet cherche le mouvement et les plus vivantes images possibles autour desquelles articuler son récit. Problème, devant rentabiliser l’impressionnant accident qu’il a tourné, le cinéaste en égraine des fragments durant tout son film, allant même s’en servir comme plans de coupe de luxe entre les scènes. Ce montage très lourd et systématique, le film ne s’en remettra jamais vraiment.
Les scènes les plus réussies, intimistes - le réveil de Michel Piccoli et Romy Schneider dans la très belle ouverture -, ne peuvent jamais vivre plus longtemps que ne dure leur moment à l'écran. Une fois terminées, il n’en reste aucune trace. L’épate visuelle de l’accident vers lequel on nous ramène toujours fait qu’elles sont très rapidement oubliées, invitées à préparer le dernier et laborieux tiers du film : la voix off de Michel Piccoli mourant appelant à lui Romy Schneider. Si tout ce qui se déroule après l’accident de voiture semble alors étrangement détaché du film, c’est que cette dernière partie paye les conséquences des choix qui ont été faits jusqu’ici. Quand Claude Sautet, débarrassé de ses plans chocs, commence à se rapprocher de ses personnages, il est déjà trop tard. N’ayant jamais pu nous accrocher à eux, n’ayant pas eu assez de temps, difficile de se sentir concerné par leur fin tragique. On accepte alors cette dernière sans sourciller comme on regarde passer de mains en mains dans la dernière scène une lettre que le personnage de Romy Schneider ne doit absolument pas lire. Aucun suspense à l’écran car fataliste et déprimé, il y a longtemps que tout le monde s’est résigné face à ces «choses de la vie». Comme les cons le disent à la perte d’un être aimé : c’était le destin ; c’est la vie.
02h14 dans Film-1969-Choses Vie, Les critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
DVD - 1 disque
Studio : Minerva Pictures
Région : 2
Format : PAL
Langues : Italien
Sous-titres : Italiens
Date de sortie : 03 avril 2013
Prix : 9,50 euros
Disponible à la commande sur Amazon.it
08h54 dans En DVD !, Film-1969-Choses Vie | Lien permanent | Commentaires (0)