Source : Spectatif - 27 janvier 2022
Une bonne surprise que voilà ! Un polar théâtral singulièrement traité qui allie l’élégance de l’humour anglais si cher aux amateurs du l’illustre Agatha Christie et l’avalanche de bonds et rebonds d’une pièce dont elle sait si subtilement tisser la trame et suspendre l’attention jusqu’à la dernière scène.
Le tout est superbement mis en vie avec une multitude d’astuces et d'audaces surprenantes par la metteuse en scène Frédérique Lazarini, très inspirée, qui construit un travail scénique particulièrement soigné, truffé de références au genre policier, et offre des partitions riches et savoureusement jouées par une distribution en verve.
«Un inconnu, dont la voiture s’est abîmée dans un brouillard épais, vient demander de l’aide dans une demeure voisine… et tombe sur le cadavre d’un homme que sa séduisante épouse dit avoir tué avec son propre revolver.»
Certes, l’argument apparait ainsi d’une simplicité outrageante mais attendez de voir ! La grande Agatha sait y faire pour troubler l’entendement, brouiller les pistes et donner l’impression au spectateur que le dénouement est couru d’avance. Les thèmes souvent utilisés dans tout bon texte épique ou réaliste sont là. Le meurtre est central et les couleurs de la cruauté, de la vengeance et de la trahison l'accompagnent.
Mais là où tout fout le camp, si je peux me permettre, là où les cartes sont fichument bien biseautées, c’est quand cela tourne non pas vinaigre, non plus à vide et non moins en rond mais en fresque un rien décalée, un bon peu grossie, aux allures de mélodrame frisant le burlesque, aux parfums de boulevard du crime (à deux doigts du grand guignol bien fait) et des films des salles de quartier des années 50 ou de série B américains.
Si Agatha Christie joue d’une plume malicieuse avec l'interchangeabilité des différentes places de meurtrier, l'énigme construisant un récit rocambolesque attractif et divertissant aux ficelles usuelles de ses romans policiers, Frédérique Lazarini donne toute la place à la dérision et à l'ironie en utilisant avec une distance savoureuse les codes et les références des aventures policières cinématographiques ou du polar théâtral.
Une ribambelle d’effets visuels et sonores, de ruptures, d’adresses au public et de vidéos soulignant le macabre ou exagérant l’émotion sont là et augmentent les contours des rebondissements. La forme et le fond se conjuguent au présent permanent laissant le passé imparfait et le futur aléatoire. Ni trop ni pas assez, le parti pris est un pur régal d'écriture dramaturgique qui vient sublimer le texte captivant. Divertissant et même hilarant par moments, on pouffe, on glousse, on rit, on s’éclaffe même (au début, on n’ose pas, incertains et surpris).
Les comédiens Sarah Biasini, Pablo Cherrey-Iturralde, Cédric Colas, Antoine Courtray, Stéphane Fiévet, Emmanuelle Galabru, Françoise Pavy et Robert Plagnol, se donnent à plein régime et semble-t-il à cœur joie. Osant les postures et les jeux appuyés quand il le faut, mais n’oubliant jamais qu’ils sont au service du texte qu’elles et ils servent avec précision et efficacité. Une très belle et pas si simple interprétation, Bravo la troupe !
Je ne sais pas s'il faut prendre ce spectacle au 2ème, au 3ème ou au 4ème degré mais ce dont je suis sûr c'est qu'il n'y a pas de 1er degré qui tienne ! Un vrai délice de pièce policière drôle et élégante, un «Agatha Christie» captivant et joyeux. Une mise en vie singulière et originale. Un spectacle très bien joué. N’attendez pas le visiteur, il est inattendu, allez le voir !
Frédéric Perez
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