Source : Les Echos - 02 mars 2021
Arte propose, mercredi 3 mars 2021, une soirée dédiée au cinéaste disparu il y a deux décennies. Au programme, un chef-d'oeuvre de sa dernière période, «Un coeur en hiver», et un documentaire inédit. Un must pour les amateurs de ce metteur en scène capital du cinéma français.
Le Festival de Cannes, avec ses paillettes et ses outrances, ne correspondait en rien à sa discrétion et à son tempérament secret. En 1970, Claude Sautet (1924-2000), entouré de ses acteurs Romy Schneider et Michel Piccoli, présente pourtant sur la Croisette «Les Choses de la vie». En pleine ébullition hippie et contestataire, ce drame intimiste fiévreux fait tache à l'heure de son passage en compétition ; et, lors de la conférence de presse, le cinéaste, son éternelle cigarette rivée aux lèvres, se fâche quand les journalistes surexcités l'interpellent sur l'absence, à leurs yeux coupable, de message politique au coeur de son film…
Les colères homériques de Sautet qui dissimulaient tant bien que mal sa timidité maladive. L'exigence de Sautet, ce passionné de musique, qui composait ses scénarios avec un souci maniaque du tempo et du rythme. Le renouvellement permanent de Sautet qui, plusieurs fois, a préféré changer de cap créatif plutôt que de s'abîmer dans le radotage… Dans «Claude Sautet, le calme et la dissonance», un passionnant documentaire, Amine Mestari et Thomas Boujut reviennent sur la personnalité et l'oeuvre d'un des cinéastes français les plus importants du dernier demi-siècle et utilisent à merveille les images d'archives, dont celles du Festival de Cannes en 1970, et les extraits des films du «maître».
Une histoire d'intégrité
En moins d'une heure, une durée évidemment insuffisante pour évoquer de fond en comble la richesse considérable de sa filmographie, les documentaristes parviennent néanmoins à dresser le portrait sensible d'un cinéaste qui, tout au long de sa vie, s'est tenu à l'écart des académismes. Les débuts dans le film de genre («Classe tous risques», «L'arme à gauche») qui se soldent par des échecs commerciaux. La rencontre déterminante avec Jean-Loup Dabadie et les triomphes des années 1970 : «Les choses de la vie», «Max et les ferrailleurs», «César et Rosalie», «Vincent, François, Paul et les autres»…
Le documentaire zoome sur les grandes étapes de la carrière de Claude Sautet, retrace des épisodes méconnus de son parcours (son bref passage militant dans les rangs des étudiants communistes) et analyse le perfectionnisme d'un auteur qui, pour Lino Ventura, l'acteur fétiche de ses débuts, incarnait «l'intégrité totale». Cette intégrité entraînera le cinéaste à se réinventer quand, après le tournage de «Garçon !», en 1983, «une sorte d'autoparodie», disait-il, Sautet décida de bouleverser son art et ses méthodes de travail.
L'épure, sinon rien
A compter de 1988 et de «Quelques jours avec moi», Claude Sautet, entouré de nouveaux collaborateurs, dont le scénariste Jacques Fieschi, abandonne les fresques chorales qui ont assuré son succès et resserre ses récits sur quelques personnages dont il examine avec une pudeur bouleversante les états d'âme et les fluctuations de la vie intérieure. Monument de la dernière période, «Un coeur en hiver» (1991), réalisé quatre ans avant l'ultime film de Sautet («Nelly et Monsieur Arnaud»), est diffusé ce soir sur «Arte» avant le documentaire.
En racontant l'histoire de Stéphane (Daniel Auteuil), un artisan luthier au coeur engourdi qui ne semble s'épanouir que dans le renoncement, et de Camille (Emmanuelle Béart), une jeune violoniste aux prises avec ses sentiments contradictoires, le cinéaste met en scène une fiction infiniment subtile et mélancolique sur les mystères du désir et de la passion. Un des plus grands films d'un auteur qui, vingt ans après son décès, manque plus que jamais au cinéma français.
SOIRÉE CLAUDE SAUTET sur Arte, mercredi 3 mars à 20 h 55 :
- «Un coeur en hiver», avec Emmanuelle Béart, Daniel Auteuil, André Dussollier. 1 h 40.
- «Claude Sautet, le calme et la dissonance», d'Amine Mestari et Thomas Boujut. 52 min.
Olivier De Bruyn