Source : Syndicat National des Enseignements de Second degré - 19 septembre 2020
La pièce d’August Strindberg a été montée plusieurs fois la saison passée, pourtant on a l’impression de la redécouvrir chaque fois au gré des adaptations et des interprétations, tant elle est riche et permet des lectures multiples.
Dans la nuit de la Saint Jean, propice à toutes les transgressions, Mademoiselle Julie, la fille de Monsieur le Comte, grisée par la danse, se laisse aller au feu du désir pour Jean le valet. Mais l’histoire n’est pas aussi simple. Julie apparaît dominatrice, sûre de sa position sociale et pourtant elle rêve de transgression mais en révélant ses failles elle va donner à Jean les armes de sa défaite. Jean rêve aussi d’une autre vie, il est prêt à se laisser séduire, mais il a trop le sens des réalités pour aller au bout de la transgression.
Christophe Lidon met en scène cette Mademoiselle Julie avec la finesse qu’on lui connaît. Il présente une Julie tiraillée entre l’éducation d’un père, qui lui a appris les règles de sa caste et de son sexe, et celle d’une mère, qui la voulait libre et sachant tout ce qu’un garçon doit savoir. Il est aussi l’auteur de la scénographie très réussie. Une immense table est au centre de la cuisine, lieu à la fois des affrontements et des opérations de séduction. Julie s’y allonge, semble se soumettre à Jean pour mieux le dominer ensuite. La vidéo et la musique permettent d’entrer dans cette nuit de la Saint Jean avec les couples qui tournoient, les corps qui se prennent et se déprennent et Mademoiselle Julie qui se détache de l’image et apparaît sur scène.
Sarah Biasini incarne toute la complexité de Julie. Riant et parlant fort, sûre d’elle, indifférente aux commérages des villageois qui l’ont vue s’afficher dansant avec le garde-forestier. Arrogante, elle provoque Jean sous le regard de sa fiancée, le regard d’un valet ne compte pas bien sûr. Elle s’allonge sur la table, lui demande de baiser sa chaussure, elle ordonne. Elle rêve de transgression et ira au bout de son désir. Mais au petit matin elle révèle sa fragilité. Sarah Biasini se transforme, elle apparaît désemparée, plus du tout sûre de ses choix et, en se confessant, elle se livre à Jean. Le retour à la réalité sera terrible pour elle.
Yannis Baraban a la force et la virilité de Jean. Il est homme et ne peut qu’être troublé par le jeu de séduction de Julie, mais il a un projet clair. Il veut sortir de sa condition et des deux, c’est lui qui va être le plus dur. Au matin il fait le bilan, il a possédé la fille de Monsieur le Comte, mais dans sa conception du monde, ce n’est pas ainsi que les choses doivent se passer. Quand Julie lui dit «Un valet reste un valet», il lui répond avec une dureté terrible «Une putain reste une putain». Et c’est lui qui favorisera le drame final.
Deborah Grall donne force au personnage de Christine, souvent laissé dans l’ombre. Vêtue de noir, semblant austère mais attachée à Jean, pleine de bon sens elle campe sur sa foi et ses principes.
Tous trois font vibrer cette Mademoiselle Julie.
Micheline Rousselet
Théâtre d’Orléans
Boulevard Pierre Ségelle - 45000 Orléans
Réservations : 02.38.54.29.29
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