Source : Le Journal du Dimanche (JDD) - 20 août 2012
Pascal Thomas signe la nouvelle enquête, inspirée par Agatha Christie, du tandem Catherine Fort-André Dussollier.
Chic et vieillotte, la brasserie du Lutetia est le repaire tout trouvé où Pascal Thomas engloutit de larges assiettes de charcuterie et s’abandonne à une pagaille de souvenirs. Dans ce joyeux tourbillon, on croise, entre autres, les rires de Bourvil et de Jacques Rozier, et une flopée de ces œuvres littéraires qui hantent le cinéaste, Jean Follain, Paul Léautaud, Léo Perutz… Sans oublier Agatha Christie, Eugène Labiche ou Ruth Rendell, qui pourraient lui inspirer de prochains films.
L’époque contemporaine a le don de hérisser toujours un peu plus la chevelure d’énervé du cinéaste. Pourtant, le présent n’entrave en rien son sourire amusé ni son solide appétit. Tout l’esprit de son cinéma est là, doux mélange de réaction et d’anarchie actionné par un besoin impérieux d’évasion, de satire, de magie. "Mes films sont des fuites de la grisaille et de l’horreur du temps présent. Je suis d’avant la civilisation du jetable et des producteurs sortis d’écoles de commerce."
Souvenirs du "cinéma babouin"
Observer les riches hôtes du Lutetia, et imaginer les crimes abominables que chacun de ces inconnus a peut-être commis, lui rappelle les exercices auxquels il s’adonnait avec ses camarades scénaristes italiens, Germi, Risi ou Scola, à la fin des années 1960… C’était la belle époque de ce qu’il appelle encore le "cinéma babouin". Avec son mentor, Roland Duval, le futur réalisateur avait alors créé V.O., une revue qui s’opposait au parisianisme et défendait un cinéma résolument farceur, léger. Journaliste, il fit aussi bien des reportages sur les leaders des Black Panthers que des entretiens avec des mythes du cinéma comme Carl Dreyer, Douglas Sirk ou encore Howard Hawks, qu’il place au plus haut. "Il est l’ironie supérieure, son élégance m’a inspiré Prudence et Bélisaire."
Le duo de détectives, inventé par Agatha Christie, est devenu le sien, pour notre bonheur avec Catherine Frot et André Dussollier impeccablement complémentaires. Car Pascal Thomas l’avoue, ses adaptations sont de moins en moins fidèles aux intrigues originales. Mais toujours plus drôles et efficaces, ouvertes à l’improvisation et finalement très loyales avec la tenue et la finesse d’esprit qu’une Agatha Christie a eu le don de transmettre. Plus sérieux qu’il n’y paraît, le cinéaste acquiesce. "La transmission est un aspect crucial de ma démarche." Avec le rire, s’entend, le plus puissant des élixirs. "Le bonheur n’existe pas, c’est le plaisir qui est possible et partout."
Alexis Campion
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