Romy Schneider (ici en 1969) a été «dans le viseur de la Stasi en raison de son engagement politique», a précisé à l'AFP Steffen Mayer, porte-parole de l'Office chargé de la gestion des archives de la Stasi.
La police secrète est-allemande a recueilli des informations sur l'interprète de "Sissi" lorsqu'elle a adhéré en 1976 à un comité, qui militait pour la libération des prisonniers politiques de la RDA.
Romy Schneider «ennemi d'Etat de la RDA». Vingt ans après la chute du mur de Berlin, l'ouverture des archives de la Stasi se révèle en surprises. Parmi les 4 millions de personnes fichées par la redoutable police est-allemande, se trouve la comédienne autrichienne, indique lundi le quotidien Bild. La Stasi a ouvert un dossier sur l'interprète de Sissi lorsque celle-ci a adhéré en 1976, à 38 ans, à un «comité de protection de la liberté et du socialisme», qui militait pour la libération des prisonniers politiques est-allemands.
Cette plateforme de protestation, qui réunissait des personnalités de toute l'Europe, inquiétait les dirigeants de la RDA. Ils ont demandé à ce que des informations soient recueillies sur les membres de ce comité. Lorsque Romy Schneider a signé l'appel de l'organisation, la Stasi a considéré ce geste «comme une déclaration de guerre», indique Bild. Le dossier de 38 pages sur la comédienne note ainsi que Romy Schneider était plus qu'une simple membre du comité. Elle lui a aussi donné de l'argent et a rallié à sa cause son ami Yves Montand, avec qui elle avait filmé "César et Rosalie", et sa compagne Simone Signoret. Le couple mythique d'artistes est ainsi désigné par la Stasi comme «membres correspondants».
Romy Schneider, une personne «hostile et négative».
«En septembre 1981, Romy Schneider a paraphé la «lettre ouverte au camarade Brejnev» de Havermann, un opposant à la RDA», poursuit le dossier. En raison de ses activités politiques, la Stasi labelle la comédienne comme une personne «hostile et négative». Dès que Romy Schneider voyage en passant par la RDA, sa fiche répertorie les personnes qui l'accompagnent et tous les documents inhérents au voyage. La dernière entrée de la Stasi remonte au 7 juin 1982, huit jours après la mort de l'actrice. Est inscrite à la main la mention «décédée le 25 mai 1982».
Dix-neuf après la réunification, l'ombre de la Stasi plane toujours sur l'Allemagne. Régulièrement, les 195 km de rayonnages d'archives laissent échapper des secrets encombrants. Ainsi a-t-on a appris en novembre dernier, que plusieurs élus du parti de la gauche radicale «Die Linke» de l'Etat du Brandebourg -surnommé la petite RDA- ont collaboré avec la Stasi.
Au total, la police secrète du ministère de la Sécurité d'État de la RDA a employé quelque 620.000 personnes, dont 12.000 ressortissants d'Allemagne de l'Ouest entre 1950 et 1989. Au moment de sa dissolution, en 1989, environ 91 000 agents officiels œuvraient pour la Stasi, qui pouvait également compter sur 175 000 informateurs non officiels, les célèbres «IM» (Inoffizieller Mitarbeiter). Soit 1 % de la population est-allemande.
Constance Jamet
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Source : Bild.de - 21 décembre 2009
So geriet Sissi ins Visier der Stasi
Millionen sahen im ZDF "Sisi" – die Neuverfilmung des Klassikers von 1955. Damals hatte sich die große Romy Schneider als Kaiserin Elisabeth in die Herzen der Zuschauer gespielt. Doch auch die Stasi interessierte sich für den Weltstar...
Romy Schneider unterstützte die DDR-Opposition. Auch mit Geld. Deshalb wurde sie überwacht und ausspioniert.
Sie galt als Staatsfeindin der DDR.
Das belegen Stasi-Akten, die die Birthler-Behörde auf Antrag von BILD herausgab.
Sprecher Steffen Mayer : "Romy Schneider geriet aufgrund ihres politischen Engagements ins Visier der Stasi. Der DDR-Geheimdienst legte Karteikarten über sie an und sammelte Informationen."
Romy Schneider engagiert sich in einem "Schutzkomitee Freiheit und Sozialismus". Dieses wurde 1976 in West-Berlin gegründet und setzte sich für die Freilassung von politischen Häftlingen der DDR ein.
Als sie einen öffentlichen Aufruf unterschreibt, betrachtet das die Stasi als Kriegserklärung.
Am 28. Dezember 1976 wird vom Ministerium für Staatssicherheit ein "Suchauftrag" gegen Schneider erlassen. Sondervermerk : "Eilt". Am 19. Januar 1978 folgt ein "Fahndungsersuchen." Rechts oben in der Ecke des Befehls steht: "Geheim!"
Mit dem Dokument werden gegen die "Person Schneider, Romy – geboren am 23.9.1938 in Wien, österreichische Staatsbürgerin, Schauspielerin, wohnhaft Berlin, Winklerstraße 22" – folgende Fahndungsmaßnahmen erlassen :
• Dokumentierung der Reiseunterlagen
• Dokumentierung mitreisender Personen.
• Verständigung der auftraggebenden Einheit.
Das heißt : Sobald die Schauspielerin durch die DDR (Transit) fährt, werden alle Daten an die Stasi-Hauptabteilung XX/5 gemeldet.
In einem weiteren Aktenvermerk hält ein Stasi-Oberleutnant fest : "Sch. unterstützte die Aktivitäten des "Schutzkomitees" durch finanzielle Zuwendungen und gewann Yves Montand und Simone Signoret als Mitglieder." Weiter heißt es : "Am 25.9.1981 trat sie als Unterzeichnerin des ‚offenen Briefes‘ von Havemann (Regime-Kritiker, d. Red) an den Genossen L. Breshnew (Staatschef der Sowjetunion, d. Red.) in Erscheinung."
Die Stasi-Akte endet am 7. Juni 1982, wenige Tage nach dem Tod von Romy Schneider (†43). Handschriftlich ist vermerkt : "29.5.82 verstorben."
H.-W. SAURE
09h07 dans Biographie, Presse - 2009, Revue Figaro | Lien permanent | Commentaires (0)
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Source : Télérama.fr - 11 novembre 2009
L'ENFER D'HENRI-GEORGES CLOUZOT
Résumé du film
Documentaire - En 1964, Henri-Georges Clouzot choisit Romy Schneider, 26 ans, et Serge Reggiani, 42 ans, pour être les vedettes de "L'Enfer". Un projet énigmatique et insolite, un budget illimité, un film qui devait être un "événement" cinématographique à sa sortie. Mais après trois semaines de tournage, c'est le drame. Le projet est interrompu, et les images que l'on disait "incroyables" ne seront jamais dévoilées. Oubliées depuis un demi-siècle, elles ont été retrouvées et sont plus époustouflantes encore que la légende l'avait prédit.
Critique Télérama
Il arrive que des films inachevés et jamais sortis trouvent, malgré tout, leur place dans les filmographies des cinéastes. C'est le cas de L'Enfer, de Clouzot, tourné en 1964, oeuvre légendaire aux péripéties multiples. A commencer par un épisode assez rare : l'infarctus du metteur en scène, intervenu au bout de trois semaines de tournage. Dans d'autres circonstances, la fin du tournage aurait été ajournée ou le metteur en scène, remplacé. Sauf que cet accident sonna, en son temps, comme une délivrance.
Plus de quarante ans après, Serge Bromberg et Ruxandra Medrea ont reconstitué cette folle histoire en intégrant à leur récit un matériau de choix qu'on croyait perdu : une partie des rushes et des essais innombrables, tournés par Clouzot, mais sans la bande-son - elle, bel et bien disparue. L'histoire est celle de Marcel (Serge Reggiani) dévoré par le démon de la jalousie. Tenancier d'un petit hôtel de province situé en contrebas d'un viaduc, il passe son temps à épier celle qu'il aime, son épouse éblouissante (trop ?), au prénom proustien, Odette (Romy Schneider). Il la suit, la bombarde de questions, soupçonnant qu'elle le trompe. Un scénario repris par Claude Chabrol en 1994, dans un remake d'excellente tenue, délesté des effets bizarroïdes orchestrés par Clouzot.
Réaliser un film «plastique», tel est en effet son souhait. A l'époque, au zénith de sa carrière, Clouzot est l'un des cinéastes les plus réputés en France. Il peut tout se permettre : d'ailleurs - chose impensable aujourd'hui - son budget est illimité ! Puisant dans l'art optique et cinétique, il sollicite plusieurs opérateurs et ingénieurs du son pour lancer diverses expérimentations. Filtrages de couleur, images kaléidoscopiques, tout le monde se prête à ce jeu moderniste, acteurs et techniciens. Aujourd'hui, ces effets paraissent un peu datés. Ce qui se dessine, surtout, c'est l'histoire d'un échec : une greffe impossible entre cinéma «classique» et cinéma expérimental.
Dans sa folie des grandeurs comme des profondeurs, Clouzot embarque tout le monde. A travers plusieurs témoignages pertinents (notamment le réalisateur Bernard Stora, à l'époque assistant stagiaire), on mesure combien le tournage prend, au jour le jour, une dimension délirante autant qu'absurde : plusieurs caméras, plusieurs équipes qui attendent, et Clouzot le perfectionniste qui s'obstine sur des détails, qui « sadise » le pauvre Reggiani. Dans un mouvement de spirale infernale, le film fonce dans le mur et personne n'est là pour l'arrêter. Cette fatalité en marche est le fil rouge captivant du documentaire de Bromberg et Medrea : montrer l'enfermement progressif d'un cinéaste à l'intérieur de sa création, perdant pied jusqu'à se confondre avec son personnage masculin.
Dans cette bérézina, reste un trésor à sauver : Romy Schneider. Délaissant ses aventures en crinoline, l'ex-Sissi débute alors une autre carrière, en France. Elle a déjà tourné avec Welles ("Le Procè"s), Cavalier ("Le Combat dans l'île"). Mais "L'Enfer" consacre son avènement. Elle y est triomphante et vénéneuse. Adulte et moderne. Lorsqu'elle fixe son regard sur nous, impossible de ne pas devenir à notre tour comme Marcel : raide dingue amoureux.
Jacques Morice
02h57 dans Film-1964-Enfer, Presse - 2009, Revue Télérama | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : La Nouvelle République - 11 novembre 2009
Romy Schneider comme vous ne l'avez jamais vue
Les images de "L'enfer", film mythique inachevé d'Henri-Georges Clouot, sont portées aujourd'hui à 'écran dans un documentaire de Serge Bromberg.
En 1964, Henri-Georges Clouzot, au sommet de son art, se lance dans une production qui va entrer dans la légende : "L'enfer" avec une Romy Schneider belle comme jamais.
Mais "L'enfer" porte trop bien son nom. Pendant le tournage, Serge Reggiani fait une dépression. Jean-Louis Trintignant, qui le remplace, jette l'éponge au bout de 48 heures et Clouzot est victime d'une attaque sévère.
Au final, trois semaines d'un tournage maudit dont les rushes disparaissent... Et les revoilà portées aujourd'hui à l'écran par Serge Bromberg, qui livre un documentaire mêlant images de Clouzot, séquences tournées aujourd'hui avec Jacques Gamblin et Bérénice Béjo et commentaire en voix off.
La NR : Quand on voit les images de Clouzot, Romy Schneider apparaît sous un nouveau jour, superbe. Que lui est-il arrivé ?
Serge Bromberg : "Elle vient de signer avec la Columbia et travaille avec Clouzot, qui avait la réputation d'être un des réalisateurs les plus exigeants, mais qui tirait le meilleur des comédiens. En 1964, Romy a 26 ans. Clouzot veut sortir le papillon Romy de cette sorte de chrysalide qu'est l'image de "Sissi" où on l'a enfermé. Elle doit apparaître, grâce à ce film, aux yeux du monde comme une actrice majeure".
A quel prix ?
"A tout prix, y compris celui de la nudité, qu'elle refusait jusqu'alors. La rumeur dit q'elle avait refusé les scènes nues dans son contrat. Or, dans le film, elle apparaît nue et la scène est troublante d'autant qu'elle ne figurait pas dans le scénario... Mais ça n'est qu'un des mystères !"
Pourquoi le film est-il resté inachevé ?
"Probablement parce que la Coumbia a offert à Clouzot un budget illimité. C'était pousser Clouzot à aller jusqu'au bout de lui-même, quelque part vers l'infini. En tout cas jusqu'à ce que son coeur lâche. On raconte qu'on a vu davantage de monde pour faire ce fim qu'il n'en avait fallu pour construire le viaduc de Garabit sur lequel il a été tourné".
Personne n'a jamais vu "L'enfer", mais il est entré dans la légende, pourquoi ?
"Parce que tout est réuni : un travail expérimental destiné à faire saisir la jalousie névrotique du personnage principal (Reggiani) envers sa femme (Schneider), un tournage maudit où Clouzot se perd et, au final, des images extraordinaires. Je crois qu'il a poussé son génie très loin. Au point probablement d'avoir imaginé que même s'il n'achevait pas "L'enfer", plus tard, d'autres travailleraient sur ses images".
Propos recueillis par Cristophe Colinet
02h10 dans Film-1964-Enfer, Presse - 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)
Archives de l'enfer
En 1964, Henri-Georges Clouzot tourne quinze heures d'images destinées à son film «L'Enfer» : l'histoire d'un garagiste (Serge Reggiani) qui assassine sa femme (Romy Schneider), persuadé qu'elle le trompe. Entamé en 1964, «L'Enfer» ne trouva jamais sa fin. Quarante-cinq ans plus tard, le troublant documentaire de Bromberg et Medrea raconte le destin d'un film avorté en plein tournage, condamné à errer au purgatoire du cinéma, parmi les spectres des oeuvres maudites.
Lorsqu'il se lance dans «L'Enfer», Clouzot n'a pas tourné depuis quatre ans. Réalisateur vénéré, auteur notamment de «L'assassin habite au 21» (1942), du «Corbeau» (1943), du «Salaire de la peur» (1953) et des «Diaboliques» (1955), il s'intéresse à l'art moderne et aux évolutions du cinéma. Pour son retour, il prévoit de mettre à profit toutes les nouvelles possibilités techniques pour composer un monde de fantasmes, tordre les sons et les couleurs, créer des effets de miroir et des trucages novateurs.
Budget illimité
Les premiers essais avec Romy Schneider sont époustouflants : dans une esthétique qui hésite entre Warhol et un générique de James Bond, l'actrice apparaît nue, les lèvres peintes en bleu, la fumée de sa cigarette valsant sur fond rose. Puis la voilà dans l'ombre, luisante comme une statue de cuivre… Fascinés, les producteurs américains offrent au film un «budget illimité». Sans le vouloir, ils signent là son arrêt de mort. Car le cinéaste affranchi se lance dans un travail dont personne ne voit l'aboutissement, même pas lui. Epuisé, il finira par faire un infarctus en tournant une scène saphique entre Romy et Dany Carrel. Le plan existe encore et le cinéaste y a survécu. Il mourra en 1977.
Assistants, décorateurs, scriptes… se souviennent aujourd'hui de ce capitaine obsessionnel, absorbé par ses images au point d'en perdre le cap. Jamais il n'a perdu leur respect. Comme si tous comprenaient sa folie : le vertige d'un créateur face aux infinies possibilités de son art.
Adrien GOMBEAUD
01h58 dans Film-1964-Enfer, Presse - 2009 | Lien permanent | Commentaires (0)
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Source : France Soir.fr - 11 novembre 20009
Romy Schneider, une beauté d’enfer
Restées secrètes pendant quarante-cinq ans, les images de l’œuvre inachevée "L’Enfer" sont enfin visibles et montrent une actrice étonnante.
Cinéphiles avertis ou spectateurs occasionnels, on pensait jusqu’à présent que Romy Schneider n’avait jamais été aussi belle que dans "La Piscine", en 1968. Erreur. Quatre ans plus tôt, elle apparaît encore plus sensuelle, plus envoûtante, plus légendaire dans "L’Enfer". Mais on l’ignorait, car ce film mythique et mystérieux n’est jamais sorti sur les écrans, le tournage ayant cessé au bout de trois semaines en raison d’une crise cardiaque du réalisateur, Henri-Georges Clouzot (qui s’en remettra, puisqu’il tournera à nouveau et décédera en 1977).
Près d’un demi-siècle plus tard, et vingt-sept ans après la mort de l’actrice, Serge Bromberg, producteur et restaurateur de films, a convaincu la veuve de Clouzot de lui confier les 185 bobines (en tout quinze heures de tournage) de ce film maudit pour en faire un documentaire, sobrement intitulé "L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot". Le scénario raconte l’histoire d’un homme, Marcel Prieur (Serge Reggiani), propriétaire d’un petit hôtel-restaurant en province, que la jalousie rend fou et qui soupçonne sa jeune femme (Romy Schneider) de le tromper. Les scènes de la vie réelle, classiques, sont en noir et blanc. Ses visions et les délires de son imagination, au contraire, sont filmés en couleurs avec des techniques et une réalisation révolutionnaires pour l’époque : distorsions de l’image et du son, effets spéciaux sur les couleurs, le montage, le mixage, le découpage de l’écran, musique psychédélique, déformation des voix… Henri-Georges Clouzot voulait faire un film complètement différent des chefs-d’œuvre qui avaient fait sa réputation, tels "L’assassin habite au 21", "Le Corbeau", "Quai des Orfèvres" ou "Le Salaire de la peur".
Tournage infernal
Romy Schneider faisant du ski nautique sur un lac rouge sang, ou allongée nue sur des rails, ou lèvres bleues en train de fumer, ou le corps enduit d’huile et recouvert de paillettes, ou le visage déformé par des jeux de lumière : jamais on n’entend sa voix, mais l’interprète de Sissi impératrice et de La Banquière apparaît ici, à 26 ans, dans une splendeur inédite. Elle écrase de sa beauté le reste du documentaire, fait d’entretiens avec des membres de l’équipe du film (dont Costa-Gavras, assistant réalisateur) qui, esquissant le portrait d’un Clouzot perfectionniste, tyrannique, fragile et mégalomane, dépassé par l’ampleur de son projet, racontent l’histoire d’un tournage qui s’avéra proprement infernal.
09h54 dans Film-1964-Enfer, Presse - 2009, Revue France Soir | Lien permanent | Commentaires (0)
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Source : Le Monde.fr - 10 novembre 2009
"L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot" : regarder Romy Schneider et approcher "L'Enfer"
Il existait donc, dans quelque crypte de l'histoire du cinéma, des rubans de pellicule sauvés de "L'Enfer", d'Henri-Georges Clouzot (1907-1977), ce projet fiévreux, délirant et inachevé, qui mettait Romy Schneider dans tous ses états ? Sacrée nouvelle. Un film de cauchemar, un drame charnel de la jalousie, fantasmé par un réalisateur diabolique, l'un des plus sombres du cinéma français ("Le Corbeau", en 1943, "Quai des Orfèvres", en 1947, "Le Salaire de la peur", en 1953...), qui faillit d'ailleurs laisser sa peau sur ce tournage.
Quelques fragments de cet Enfer avaient été divulgués, en 2007, à l'Auditorium du Louvre (Le Monde du 27 novembre 2007), par Serge Bromberg, célèbre aventurier et restaurateur du cinéma perdu. Il y bâtissait déjà un récit de sa quête au moins aussi mythique que le film lui-même. L'archiviste, dans le rôle du preux chevalier, tente vainement de convaincre Inès Clouzot, la veuve du cinéaste, d'autoriser l'utilisation de ces rushes, avant qu'une panne d'ascenseur de quelques heures ne lui permette d'arracher, par des moyens qu'il passe sous silence, son consentement.
Avec le documentaire qu'il consacre aujourd'hui à l'histoire de ce film, la boucle est enfin bouclée, et si "L'Enfer" ne renaîtra pas pour autant de ses cendres, du moins peut-on en visiter les sulfureux vestiges et rêver indéfiniment à ce qu'il aurait pu devenir : poésie frénétique ou grandiloquent échec.
La genèse de ce film est d'abord celle d'un artiste qui traverse une phase de doute et de dépression : Clouzot a perdu sa première femme, Vera, en 1960, et il en est à un point de sa carrière où il n'a plus grand-chose à démontrer, tandis que se profile à l'horizon une vague nouvelle de jeunes gens qui s'apprêtent à révolutionner le cinéma français. Tandis qu'il se remarie en 1963 avec Inès de Gonzalès, cet homme de 56 ans veut aussi montrer qu'il peut encore frapper un grand coup esthétique.
Ce sera "L'Enfer". Un film sur le démon de la jalousie, inspiré de sa relation avec son ex-femme, mais porté par le cinéma jusque dans ses confins extrêmes. Un film qui mettrait en scène un couple de jeunes mariés, pour mieux entrer dans la tête du personnage masculin et rendre par des expérimentations formelles très poussées la fantasmagorie délirante qui la peuple. Par chance, ou par malchance, Clouzot dispose du soutien inconditionnel de la major Columbia, qui lui donne carte blanche.
Rescapés du désastre
Clouzot tient déjà son couple vedette, Romy Schneider et Serge Reggiani. Il a également une idée de la structure du film, qui montrera le monde réel en noir et blanc et celui des fantasmes en couleurs. Installé à demeure dans une suite de l'Hôtel George-V, il se claquemure alors en studio et se lance dans une interminable série de recherches qui le mèneront très loin, tentant de trouver dans le mariage de l'art cinétique et de la musique électro-acoustique, mais aussi bien dans la mise à l'épreuve des limites morales et physiques de ses acteurs, un équivalent plastique à la folie de son personnage.
Trois mois plus tard, en juillet 1964, le tournage débute enfin dans le Cantal, au pied du viaduc de Garabit. 150 techniciens, trois équipes de tournage sont à pied d'oeuvre, sous la férule impitoyable d'un réalisateur insomniaque. Rien n'ira pourtant comme il se doit. Techniciens poussés à bout, gâchis financier, équipes inactives, tensions avec les acteurs... Le cinéaste, indécis, semble être devenu prisonnier de son perfectionnisme et de son ambition. Il se brouille avec Serge Reggiani, qui quitte le tournage pour l'hôpital. Appelé à la rescousse, Jean-Louis Trintignant n'a pas le temps de prendre ses marques, Clouzot étant lui-même victime d'un infarctus. Fin de partie.
Cette histoire, Bromberg nous la raconte en usant de trois sources. Les témoignages des rescapés de ce désastre, depuis l'assistant opérateur William Lubtanchsky jusqu'à l'actrice Catherine Allégret. Des fragments de dialogues originaux lus par les acteurs Jacques Gamblin et Bérénice Béjo. Enfin, et c'est assurément la partie la plus impressionnante, de nombreux extraits tirés des quinze heures de bouts d'essai et de rushes existants, dépourvus de son. Principal objet de l'expérience : Romy Schneider transformée en matière malléable à merci, surface de projection pulsionnelle à haute teneur érotique. Romy Schneider, telle que jamais on ne l'a vue : ligotée, dégradée, répulsive, fascinante, dominatrice, fragmentée, scintillante, hybridée, peinte de la tête aux pieds, captive d'un démiurge qui la soumet à ses plus folles visions.
Serge Bromberg a choisi de rester au plus près de cette histoire, ce dont il s'acquitte parfaitement. On ne lui contestera pas ce choix, quand bien même on pourrait regretter qu'il n'ait pas voulu élargir le cadre. On aurait aimé en savoir un peu plus sur le parcours de Clouzot, sa place dans le cinéma français, l'émergence de la Nouvelle Vague dans les années 1960, voire la filiation paradoxale de "L'Enfer", qui fut tourné en 1994 par Claude Chabrol et emmené dans une tout autre direction.
Serge Bromberg : "Ce qu'on a là, c'est l'état psychique d'un grand créateur, pas le film"
Collectionneur d'incunables des premiers âges du cinéma, directeur artistique du Festival du film d'animation d'Annecy, la cinéphilie de Serge Bromberg l'avait jusqu'ici porté du côté de la vitalité première et des histoires oubliées du cinéma. Jusqu'à ce que ses pas le mènent jusqu'à L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot.
Comment avez-vous retrouvé le matériel ?
La voie royale, c'est de demander aux Archives du film, à Bois-d'Arcy. J'ai appelé, demandé s'ils savaient où étaient les bobines de L'Enfer. Ils m'ont répondu qu'ils les avaient. Fin de la recherche, elle avait duré une minute. La question était de savoir pourquoi personne n'avait pu les voir. Ce tournage s'est interrompu au bout d'une vingtaine de jours. On avait d'un côté une société d'assurances qui avait la plupart des droits, et de l'autre Henri-Georges Clouzot qui avait conservé les droits sur son scénario. Du coup, un juge a fait mettre les scellés sur ces bobines. Dix ans après le tournage, en 1974, le laboratoire LTC a fait transférer ces éléments aux Archives du film, où elles ont été classées non consultables et non communicables.
Je suis allé voir Mme Clouzot, qui m'a dit que par égard à la mémoire de son mari elle avait pris la décision de ne pas les montrer, sauf s'il se passait quelque chose de spécial avec quelqu'un. Elle m'a raccompagné jusqu'à l'ascenseur, et nous y sommes restés coincés pendant trois heures. On s'était dit tout ce qu'on pouvait dire sur Clouzot, donc on a fait connaissance, on s'est raconté nos vies. En sortant, elle m'a dit : "Disons qu'il s'est passé quelque chose."
Je suis allé voir la compagnie d'assurances, ça n'a été qu'une négociation banale. Ensuite je suis allé aux Archives. Comme il n'y avait eu que trois semaines de tournage, je croyais qu'il y aurait quarante boîtes, il y en avait 180 !
Quel était votre projet ?
Il n'y en avait pas. C'était : "Je vais voir des films que personne n'a vus." Le positif, le son et les prises de vues en français (on tournait chaque scène en français et en anglais) avaient disparu. Nous avons mis bout à bout ces petits bobineaux de négatifs et nous les avons passés en télécinéma : quinze heures. J'ai acquis la conviction que ces images avaient été faites pour le grand écran, et que leur destin était de finir sur le grand écran.
Comment s'est dégagée la forme du film ?
Le tournage a duré moins de trois semaines à Garabit pour des plans d'extérieur, d'exposition, et il était prévu de tourner les parties narratives en quatorze semaines aux studios de Boulogne. On a monté trois séquences et on a obtenu cinq minutes de film. On a tourné les témoins en studio. On a essayé de faire doubler Serge Reggiani et Romy Schneider, mais les gens qui tentaient de lire sur les lèvres n'y arrivaient pas, et pour cause, puisqu'on s'est aperçu que c'était la version anglaise.
Finalement le film manquait d'une dimension émotionnelle, on a commencé à chercher des acteurs qui reprendraient les rôles d'Odette et de Marcel. Jacques Gamblin et Bérénice Béjo ont accepté à la condition de jouer le scénario à la main, pour montrer qu'ils ne se prenaient pas pour Serge Reggiani et Romy Schneider.
Est-ce que "L'Enfer" aurait pu exister ?
J'ai soupçonné Clouzot d'avoir feint la crise cardiaque. Mais c'est faux, sa crise était la conséquence de tout ce qui s'était passé avant. Au bout de quatre mois d'essais et de trois semaines de tournage avorté, il est possible que Clouzot ait envisagé, puisqu'il disposait d'un budget illimité, qu'il recommencerait tout à zéro. Ce qu'on a là, c'est l'état psychique d'un grand créateur, ce n'est pas le film.
Propos recueillis par Thomas Sotinel
05h29 dans Film-1964-Enfer, Presse - 2009 | Lien permanent | Commentaires (0)
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Source : 20 minutes.fr - 10 novembre 2009
- INTERVIEW - Le producteur a réalisé le documentaire «L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot», qui sort mercredi...
C’est l’histoire d’un tournage maudit. En 1964, le cinéaste Henri-Georges Clouzot tourne "L'Enfer", drame de la jalousie interprété par Romy Schneider et Serge Reggiani. Le film ne verra jamais le jour puisque son acteur principal, Serge Reggiani, quitte les plateaux et que son réalisateur meurt d’une crise cardiaque, après trois semaines de prises de vue. Quarante-cinq ans plus tard, le producteur Serge Bromberg réussit le tour de force de livrer un documentaire sur les coulisses de ce tournage cauchemardesque avec «L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot», qui sort mercredi, et un livre, "Romy dans l’Enfer" (éd. Albin Michel). Interview.
Pourquoi faire un documentaire sur ce film inachevé ?
Tout a commencé comme un jeu. J’étais curieux de voir les images de ce tournage très mystérieux, que personne n’avait vues. J’étais convaincu qu’elles seraient banales tant le film était auréolé de légende. Lorsque je les ai vues, j’ai eu un choc: la réalité était plus grande que la légende. J’ai demandé à Inès Clouzot (la veuve du réalisateur disparu, ndlr) si je pouvais avoir les bandes. Je n’étais pas le premier à la solliciter mais elle avait toujours refusé. C’est grâce à un coup de théâtre – nous sommes restés coincés deux heures dans un ascenseur – qu’elle m’a finalement autorisé à les utiliser.
Dans quel état les avez-vous trouvées ?
En très bon état. Les 185 boîtes de bobines avaient été très bien conservées, notamment au centre d’archives du CNC, où elles se trouvaient depuis 1974. Elles n’ont pas eu besoin de restauration, juste d’étalonnage (retouche des couleurs, ndlr). En tout, nous avions 15 heures de rushes, ce qui est très long pour un tournage de cette durée.
Qu’avez-vous ressenti en les voyant ?
Un coup de poing dans la figure. Cela fait partie des images que l’on n’oublie pas. J’ai eu l’impression d’être comme un archéologue découvrant le sanctuaire inexploré d’un pharaon. Je crois sincèrement que "L’Enfer" aurait été le chef d’œuvre de Clouzot, sans doute le film de l’année 1964. On y découvre Romy Schneider comme on ne l’a jamais vue, sensuelle, incandescente. Il avait révélé une facette d’elle qu’on connaît moins.
Combien de temps avez-vous travaillé dessus ?
Deux ans et demi. J’avais l’impression d’être face à un vaste puzzle sans savoir à quoi il allait ressembler. Il a fallu se laisser habiter par les images, puis leur trouver un sens car le son et les dialogues n’ont pas survécu aux années. Nous avons contacté des personnes qui lisent sur les lèvres mais elles n’ont pas compris les échanges.
Quel est le but de votre film ?
Je le vois comme une enquête et non un documentaire. On sent l’ambiance qui devait régner sur le tournage à Garabit à l’époque. C’est un hommage à un grand film et à la quête d’absolu et de sincérité qui semblait habiter Henri-Georges Clouzot.
Propos recueillis par Sandrine Cochard
03h55 dans Film-1964-Enfer, Presse - 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)