Source : Les Echos - 09 janvier 2021
Dans cette lettre d'amour à sa propre fille à peine née, Sarah Biasini, la fille de Romy Schneider, revient sur le deuil impossible d'une des stars les plus mélancoliques de l'histoire du cinéma.
«Amour de nos mères, à nul autre pareil», écrivait Albert Cohen dans «Le Livre de ma mère». Sarah Biasini se livre à l'exercice périlleux de raconter sa mère, idole des seventies au destin tragique, à sa propre fille, Anna, qui vient de naître et qu'elle nomme «Beauté du ciel». Aujourd'hui, on dirait que Romy Schneider, notre Romy naturalisée de « La Piscine » et de «César et Rosalie», a été une «femme puissante», une guerrière prématurément fauchée par les drames de la vie. Dans sa lettre de bienvenue à «La Beauté du ciel», ouvrage en forme de journal mélancolique, Sarah Biasini y voit aussi le moyen de naître une seconde fois, de briser le serment de la «sauvagerie maternelle», dont parlait si bien la philosophe Anne Dufourmantelle.
«Comment dit-on en français pour dire mentir ?» demande Romy Schneider à son amant qui va la quitter dans « Les Choses de la Vie ». «A-ffa-bu-ler», répond Piccoli. Ici, Sarah Biasini n'affabule pas. Elle ne cache rien de ses angoisses, de ses peurs, ni de ses colères. Pas facile d'être la fille d'une icône tragique, elle-même née d'une actrice allemande, Magda Schneider, qui avait flirté avec Hitler. Fût-elle une des plus grandes comédiennes françaises qui a tourné avec Orson Welles, Losey ou Visconti… Témoignages
A trois ans, Sarah Biasini perd son frère, David, qui s'empale sur les grilles du jardin de ses grands-parents paternels. Elle avait quatre ans et demi quand Romy a été retrouvée morte dans son appartement parisien, en 1982. Elle l'a surtout connue à travers ses films, les documentaires, les images d'archives… Pour raconter Romy à sa fille, Sarah Biasini a dû mener l'enquête à travers les témoignages de son père, de ses grands-parents et des hommes qui l'ont tant aimée : Philippe Noiret, Claude Sautet, Michel Piccoli…
C'est ce dernier qui en parle le mieux, décrivant une « Romy plus vraie que ses rôles parfois. Par le mystère du talent mais aussi par l'obstination à ne jamais mentir, à ne jamais tricher ». Après le mirage des "Sissi", la plus germanique des actrices françaises deviendra (surtout grâce à Claude Sautet) un miroir, «celui où se reflètent les joies et les peines du plus grand nombre».
«La mort est devenue fertile. Elle produit une somme de choses incroyables pour ceux qui restent», conclut Sarah Biasini, devenue elle aussi comédienne. Son livre n'est pas seulement un beau témoignage sur le deuil différé et la construction de soi. C'est aussi un hymne troublant à la reconquête des siens. «Je ne t'appartiens pas, César, je n'appartiens à personne…», lançait Romy Schneider à un Yves Montand fou de jalousie, dans «César et Rosalie». Ne jamais tricher avec l'amour. Une belle leçon de vie.
Pierre de Gasquet
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