Source : Médiapart - 04 décembre 2020
Julia avoue à son époux Werner qu’elle a laissé, il y a six ans, à un couple sans enfant son bébé de huit jours alors qu’elle était une jeune femme de 19 ans. Elle souhaite à présent retrouver son fils.
Au sujet de la sortie DVD : La Voleuse de Jean Chapot
Méconnu, ce premier long métrage de Jean Chapot scelle la rencontre florissante du couple Romy Schneider/Michel Piccoli à l’écran, bien avant que Claude Sautet s’en empare avec talent quelques années plus tard. Le sujet est inédit dans la production de l’époque, évoquant d’ailleurs la thématique implicite du droit à l’avortement puisque c’est ce cadre législatif qui conduit le personnage interprété par Romy Schneider à vivre son drame. Le film pose au centre de son intrigue notamment à travers les médias allemands qui s’emparent de l’affaire dans le film, de la légitimité parentale entre les parents adoptifs qui se sont occupés d’un enfant depuis son plus jeune âge et la mère biologique qui sent le besoin de retrouver son enfant, prise par la culpabilité et sa nouvelle aptitude à assumer sa maternité.
Romy Schneider porte à elle seule le personnage le plus complexe du film et fait preuve d’une remarquable interprétation, tout en questionnement et incertitudes permanents. Le film offre ainsi des confrontations fortes dans le couple entre Romy Schneider et Michel Piccoli, autour de dialogues finement écrits par Marguerite Duras, où l’on retrouve l’opposition de couple présente dans Hiroshima mon amour (1959) d’Alain Resnais. En plus de cette psychologie de couple, le scénario lance une autre grande piste narrative importante : le déchirement du père adoptif, ouvrier polonais de la sidérurgie prêt à se battre pour conserver le droit de garde de son fils. Là aussi, le choix d’opposer une mère à un père est assez pertinent avec de plus l’opposition de classe sociale, avec d’un côté un couple socialement bourgeois qui dispose de la bonne connaissance de la législation et de l’autre un père qui n’a que l’amour paternel à donner dans sa modeste maison.
Le dialogue entre la mère biologique et le père adoptif n’est à aucun moment permis, ce qui rend encore plus tendue le possible dénouement du drame. Quant à l’époux de Julia, la mère biologique, il incarne bien l’affirmation du patriarcat de l’époque, imposant sa volonté d’avoir un héritier « légitime », violentant et enfermant son épouse pour arriver à ses fins : le maintien de l’ordre social respectable ! Le seul grand oubli dans ce film est paradoxalement l’enfant : à aucun moment le scénario comme le tournage lui prête une réelle attention pour requérir ses propres envies. Ainsi, l’enfant de 6 ans passe et même est arraché d’une famille à une autre sans la moindre protestation. Le film se situe donc totalement du côté des adultes au détriment des enfants. La Voleuse par ces oppositions psychologiques de couple sur des sujets sociaux encore tabou, sa composition musicale signée Antoine Duhamel, s’inscrit pleinement dans la veine du cinéma héritier de la Nouvelle Vague avec un couple de cinéma inoubliable !
La Voleuse
de Jean Chapot
Avec : Romy Schneider (Julia Kreuz), Michel Piccoli (Werner Kreuz), Hans Christian Blech (Radek Kostrowicz), Sonia Schwarz (Madame Kostrowicz), Mario Huth (le petit Carlo)
France, Allemagne, 1966.
Durée : 88 min
Sortie en salles (France) : 18 novembre 1966
Sortie France du DVD : 29 mai 2020
Format : 2,35 – Noir & Blanc
Langues : allemand, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Doriane Films
Bonus : «Romy Schneider, l’incandescence du sacrifice» de Dominique Maillet (26’) - Bande-annonce
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