Source : Senior Actu - 28 février 2020
C’est une des premières pièces de Shakespeare, écrite semble-t-il vers 1594, constituée de cinq actes et un prologue. Certains ont en mémoire l’adaptation télévisée qu’en fit Pierre Badel en 1964, où s’affrontaient Rosy Varte et Bernard Noël dans les rôles principaux.
Quelques années plus tard Franco Zeffirelli nous en donnait une version cinématographique colorée mettant en scène les deux monstres sacrés qu’étaient alors Elizabeth Taylor et Richard Burton, jouant sur scène un duel qui aurait pu être leur vie.
Car c’est bien d’un duel qu’il s’agit ici, entre la revêche Catarina d’une part, fille aînée du riche marchand Baptista et de Petruchio, séduisant aventurier de passage qui, bravache et intéressé par la dot, relève le défi de mâter la rebelle.
De Padoue à Vérone les deux époux s’observent, se jaugent, se courtisent et finissent par s’apprécier tous deux à leur juste valeur.
Frédérique Lazarini a choisi d’en donner une version moderne et allégée, d’une heure trente environ, privilégiant les scènes de joute entre les deux protagonistes principaux.
Elle a situé sa pièce dans l’Italie des années cinquante, celle de l’âge d’or du cinéma italien, rajoutant au texte des chansons de l’époque que les acteurs entonnent avec un plaisir communicatif.
Et puis, autre trouvaille, la mise en scène alterne astucieusement théâtre et cinéma : certaines scènes filmées par la réalisatrice, sont projetées sur un écran en fond de scène rappelant les cinémas ambulants qui existaient à cette époque dans de nombreux villages. Mise en abyme où les acteurs, assis sur des bancs, se regardent évoluer sur la toile.
Sarah Biasini est Catarina. Si son visage vous rappelle quelqu’un c’est normal, car elle est bien la fille de sa mère ! On a plaisir à voir ses traits évoluer progressivement, du dégoût du début à la soumission finale.
Cédric Colas, qu’on a déjà vu la saison dernière en ce lieu dans «Les Rivaux» campe un Petruchio ambigü, plein de charme et de rouerie à la fois. Maxime Lombard nous délivre un Baptista truculent qui nous fait penser au regretté Michel Galabru.
Une mention spéciale pour Pierre Einaudi dans le rôle de Lucentio, qui, tout feu tout flamme au début de sa lune de miel avec la douce Bianca, s’éteint et perd peu à peu toute sa joie de vivre aux côtés de son épouse devenue acariâtre.
Pièce misogyne ? Sans doute à l’époque, mais Frédérique Lazarini préfère y voir la volonté de libération des femmes vis à vis du joug masculin. Et la tirade finale, rajoutée par ses soins, est bien là pour nous éloigner de tout manichéisme.
Axel Kiev
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