Source : Le Figaro - 23 septembre 2018
INTERVIEW - Romy Schneider aurait eu 80 ans aujourd'hui. Loin des biographies racoleuses qui surinterprètent son âme tourmentée, le journaliste Jean-Pierre Lavoignat et Sarah Biasini, la fille de l'actrice, sortent un livre sobrement intitulé "Romy". Dans cet ouvrage bellement enrichi de photos rares, il revient sur l'essentiel, la force subtile de son jeu.
23 septembre 2018, Romy Schneider aurait fêté aujourd'hui son 80e anniversaire. Le temps a passé depuis sa tragique disparition il y a déjà trente-six ans. Et pourtant personne n'a oublié les rôles de femmes à la fois fortes et tourmentées qu'elle joua avec une justesse infinie dans les films de son pygmalion français Claude Sautet.
Afin de lui rendre hommage, sa fille Sarah Biasini, épaulée par le critique cinématographique Jean-Pierre Lavoignat, vient de sortir un joli ouvrage richement documenté, intitulée tout simplement Romy (Flammarion) (NDLR : ré-édition).
Le co-auteur de l'ouvrage Jean-Pierre Lavoignat, commissaire de l'exposition consacrée à Romy Schneider en 2011, a accepté de répondre aux questions du Figaro afin d'éclairer le mystère du charme de l'immense actrice allemande dont le cœur battait pour la France.
LE FIGARO. - Comment vous est venue cette passion pour Romy Schneider ?
Jean-Pierre LAVOIGNAT. - Elle est tout simplement une actrice fascinante. Romy fait partie de notre vie. Petit garçon, j'avais vu les "Sissi", qui sont d'étonnants contes de fées. Et puis, dans la deuxième partie de sa carrière, on découvre dans les films de Sautet une comédienne capable de tout jouer. Elle devient même à travers ses rôles le symbole de la femme moderne des années 70 et 80. Vous savez, il suffit de murmurer Romy et des images nous envahissent
Pourquoi Romy Schneider est-elle toujours aussi présente aujourd'hui ?
Rarement une actrice aura été à la fois aussi émouvante et aussi belle. Sa carrière, commencée très jeune à 15 ans, a toujours été animée par un immense désir d'absolu qui l'a peut-être aidé à échapper à sa propre légende. Et puis il ne faut pas oublier son destin tragique, marqué par la mort de son fils. Le grand public comprendra alors qu'il est possible d'être une superstar et en même temps une femme comme les autres avec ses malheurs, ses chagrins.
Il est de bon ton aujourd'hui de parler des films de "Sissi" avec une forme de mépris et de penser que Romy aurait voulu gommer cet instant de sa carrière...
Je crois que certains ont aujourd'hui tendance à surinterpréter et donc à caricaturer la vie de Romy Schneider. Pour commencer je tiens à dire que le personnage de "Sissi" dans les films de Marischka est une princesse anticonformiste. Évidemment, tout cela est raconté de manière très positive mais il n'empêche que naturellement le cinéma lui offre tout de suite un rôle où elle pourra exprimer la part rebelle de sa personnalité, il est vrai encore naissante. Je rappelle qu'elle n'a alors que seize ans. Ce qui est certain, en revanche, c'est que Romy durant sa carrière a voulu progresser dans son art. Il fallait franchir des étapes avant d'arriver aux chefs-d'œuvre qu'elle crée avec Sautet. Il fallait qu'elle se forge un destin de comédienne. On ne peut pas saisir le sens de son parcours si on ne prend pas en compte cet auto-perfectionnisme exigeant.
Alors justement, selon vous, comment arrive-t-elle à devenir cette actrice unique que nous admirons toujours dan s"La Piscine", "César et Rosalie", "Le Vieux Fusil"...
Ce sera un long chemin qu'elle va gravir pas à pas. Au début des années, elle travaille avec Orson Welles et Luchino Visconti. Avec eux, ce n'est certainement pas du cinéma commercial. Elle veut comprendre leur génie et pour cela il n'existe qu'une seule manière: jouer sous leur direction. Dans "Ludwig ou le crépuscule des Dieux", elle reprendra le rôle d'Elizabeth d'Autriche. Mais cette fois, sa composition, guidée par Visconti, est plus tragique. Il est là le chemin de son destin d'actrice. Elle veut toujours se dépasser.
Quels sont pour vous les meilleurs films de Romy Schneider ?
C'est une question difficile car sa filmographie tout entière intéresse le cinéphile que je suis. Mais s'il faut choisir, j'élirais les cinq films où elle est dirigée par Claude Sautet. Avec Les Choses de la vie le cinéaste trouvera sa muse et Romy son pygmalion. Cette rencontre est à la fois un miracle et le fruit d'une prédestination.
Par Bertrand Guyard