Source : Le Monde - 13 juin 2018
La fiction d’Emily Atef revient sur les "trois jours" passés par l’actrice "à Quiberon", en 1981.
Dès l’âge de 16 ans, Marie Bäumer s’est entendu dire sa ressemblance avec Romy Schneider. Devenue plus tard elle-même une actrice, elle n’en a cependant pas tiré parti, refusant les propositions qui lui étaient faites d’incarner celle dont elle avait, depuis, découvert la filmographie. Jusqu’à ces "3 jours à Quiberon", un film dont le parti pris l’a convaincue de lâcher prise. Ce qu’elle fait avec un talent qui maîtrise à la fois l’énergie, la gestuelle et les attitudes qu’elle reproduit de son modèle, créant le trouble sans l’appuyer. Dans cette unité de temps et de lieu à laquelle se limite le quatrième long-métrage de la réalisatrice Emily Atef, Marie Bäumer parvient à abattre les cloisons. Elle ne suffit hélas pas à l’envol du film.
Nous sommes en avril 1981. Romy Schneider, en instance de divorce avec Daniel Biasini, se rend à Quiberon pour une cure de repos. Durant ces quelques jours, l’actrice a accepté que viennent la rejoindre Michael Jürgs, journaliste du magazine allemand Stern, et le photographe Robert Lebeck, pour une interview exclusive. Fatiguée, malheureuse, l’actrice, soumise à des questions directes et quelque peu agressives, relève néanmoins le gant.
L’INTERVIEW SE DÉROULE EN PLUSIEURS ÉTAPES
ENTRE LESQUELLES L’ACTRICE CÈDE À SES DÉMONS,
SE REPREND PAR UN ÉCLAT DE RIRE LUMINEUX
Soucieuse d’éclaircir certains points – notamment avec l’Allemagne, qui ne lui a jamais pardonné son abandon de "Sissi" et son départ pour la France –, Romy Schneider se montre combattante, puis vulnérable au fil des confidences qu’elle livre sur ses difficultés à être actrice et mère, à conjuguer son métier et ses aspirations à une vie normale, à vivre ses contradictions, ses deuils, ses renoncements. L’interview se déroule en plusieurs étapes, entre lesquelles l’actrice cède à ses démons, se reprend par un éclat de rire lumineux, s’amuse comme une enfant ; photographiée dans tous ces instants par Lebeck, avec qui elle entretient une relation affectueuse et complice. Les 600 photos qu’il a réalisées durant son séjour en témoignent.
Ce sont elles qui ont en partie guidé le travail d’Emily Atef dans l’esthétique du film qu’elle a choisi de tourner en noir et blanc, afin de restituer «l’atmosphère» qui se dégageait des images du photographe. De même que la réalisatrice s’est appuyée sur l’entretien publié dans Stern (au demeurant peu passionnant) pour l’écriture du scénario. Ces deux sources d’inspiration se révèlent insuffisantes pour faire décoller le film. Faute de point de vue, "3 jours à Quiberon" se contente d’aligner une succession de plans sur une actrice en proie au mal-être, réduisant l’envergure du film à celle d’un reportage au commentaire insignifiant et simpliste.
«Scandalisée»
Or, c’est d’une fiction qu’il s’agit ici. Un argument que la réalisatrice s’est d’ailleurs plu à opposer aux critiques émises par Sarah Biasini à l’encontre du film ; la fille de Romy Schneider s’étant déclaré «scandalisée» d’y voir notamment sa mère montrée comme dépendante aux médicaments et à l’alcool.
Ce à quoi Emily Atef a répondu que "3 jours à Quiberon" n’était «pas un documentaire, mais une fiction d’après des discussions avec des gens qui étaient là-bas, et d’après des photos dont [elle a eu] connaissance». Il en aurait fallu plus pour créer un personnage et élever cet épisode d’une vie à hauteur de film.
Par Véronique Cauhapé
Commentaires