Source : La Dépêche.fr - 23 octobre 2014
Toute la puissance du texte de Stefan Zweig enveloppait le public du théâtre de Cahors mercredi soir au sein de petits papiers. «Lettre d'une inconnue» annonce les thèmes favoris de cet illustre auteur, la passion et ses tourments, la folie et le renoncement. En somme, les ingrédients d'une tragédie. C'est sans doute cet élément qui a permis à Christophe Lidon d'adapter la nouvelle au théâtre. Un écrivain volage lit une lettre dans laquelle s'engouffre Sarah Biasini. Elle incarne alors ses propres fantasmes et ses souvenirs d'enfant puis de femme qui idolâtre cet homme de lettres. Le décor est minimaliste : des ampoules luisent fébrilement et servent à créer une dose suffisante d'intimité. Assez pour tenter de comprendre comment cette femme, maîtresse de sa propre destruction, s'inflige de rester une simple anonyme aux yeux de son amant, même une fois mère de leur enfant.
Sarah Biasini possède la scène, haletante oscillant entre ivresse et tristesse. Son phrasé enfantin, ironique, brûlant, ou accablé emmène le spectateur dans son univers fait de fanatisme et de souffrance. La lettre s'anime par le lien élastique qui unit les personnages, parfois si proches puis soudainement distants. L'écrivain campé par Frédéric Andrau est cantonné au rôle d'un lecteur figé entre sentiment de culpabilité et d'impuissance. Son interprétation du texte est plus linéaire, parfois très froide, peut-être pour marquer le désarmement d'un homme confronté à une telle déclaration, creusant encore l'antinomie des personnages. Le suspens de Zweig agit subrepticement au fil de la pièce, les mots se tordent avec fatalité jusqu'à la chute aussi annoncée que brutale. Venus échanger avec le public après la pièce, le duo d'acteur est resté assez discret sur sa préparation. Les détails sont pourtant réglés au millimètre, comme cette bretelle de déshabillé qui ne cessent de glisser des épaules de Sarah Biasini lorsque son personnage se met à nue. L'actrice confie qu'elle a dû épuré son jeu au fil des représentations. Si on décèle quelques automatismes, sa performance, subtile malgré un texte si abrupt, a indiscutablement troublé l'audience.
La Dépêche du Midi
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