Article intérieur : * Sarah Biasini sur les traces de Romy Schneider 3 pages |
Source : TV Mag.com - 10 septembre 2004
Sur les traces de Romy Schneider ...
Elle a les yeux clairs qui pétillent, le nez fin, les cheveux blonds qui frisent (à son grand désespoir) et un visage de caractère loin des archétypes à la mode. Elle a aussi le sourire enchanteur de sa maman, Romy Schneider, sa photogénie - «la caméra l'aime», assure la réalisatrice Charlotte Brändström - et sa façon de parler posée, déterminée, rapide qui laisse peu de place à l'hésitation. «En fait, j'ai de bonnes idées et j'ai peur de les oublier avant de les avoir dites», justifie Sarah Biasini avec une simplicité charmante.
Et si elle a paru se chercher et a longtemps refusé de l'admettre, elle sait aujourd'hui que le métier d'actrice lui colle à la peau. Et que c'est plus fort que tout. Qu'au fond, la difficulté d'être la fille de Romy Schneider, c'était surtout la tragédie d'avoir perdu sa maman à 4 ans. Car assurément le sourire et la spontanéité de Sarah Biasini démentent que l'héritage serait lourd à porter. Élevée loin des projecteurs du septième art, Sarah a pendant longtemps ignoré les lumières de cet univers et forcément sa face d'ombre. Quand, à 7 ans, elle regardait les «Sissi» qui avaient révélé sa mère, peut-être rêvait-elle d'être elle aussi une héroïne, mais comme toutes les petites filles du monde elle ne se disait pas qu'elle voulait faire comme sa maman. «Quand elle a tourné ces films, ma mère était très jeune. Comme je ne l'avais pas connue. Pour moi, ce n'était pas elle.» Sarah éclate même de rire à l'évocation de questions posées par des personnes mal informées ou qui n'ont pas le sens de la chronologie. «On m'a demandé si moi aussi j'avais joué avec elle dans "Sissi".»
D'autres ont même imaginé qu'elle était la petite fille blonde de "César et Rosalie" «Je n'étais pas née», s'amuse-t-elle. Plus tard, lorsqu'elle a découvert les films d'adulte de Romy, "Les Choses de la vie", "La Piscine" ou "La Passante du Sans-Souci", là encore elle a fait la distinction entre la femme dans le souvenir duquel sa famille l'entretenait et le mythe. «Je regardais l'actrice, son travail, pas ma mère.»
Longtemps donc, Sarah Biasini s'est refusée à penser qu'elle pourrait faire comme beaucoup d'enfants, céder à la facilité et embrasser la carrière d'un de ses parents. Qui, dans son cas, était déjà celle de ses grands-parents maternels, Magda Schneider et Wolf Albach-Retty et de son arrière-grand-mère, Rosa Albach-Retty. Non, Sarah ne pensait pas à tout ça. «Quand on a 15 ans, on ne sait pas forcément ce qu'on veut. J'envie ceux qui ont une idée bien arrêtée depuis le départ. Moi ça n'était pas mon cas. J'avais juste décidé que je ne ferais jamais ce métier.» Adolescente normale, «ni garçon manqué ni obsédée par les fringues», en grandissant elle s'intéresse alors volontiers à des domaines artistiques autres que celui du cinéma. La peinture, la sculpture, l'architecture. «Plus le temps passait, plus j'étais confortée dans mon idée. Je crois au fond que j'avais besoin de me prouver des choses à moi-même. Me prouver que je pouvais évoluer différemment, en dehors d'un chemin tout tracé.» Elle étudie donc l'histoire de l'art, passe sa maîtrise, travaille avec des commissaires-priseurs, pour des musées. «L'idée d'oeuvrer pour faire découvrir le patrimoine au plus grand nombre m'a toujours séduite.»
Séduite peut-être, mais pas conquise. «Je n'étais pas totalement épanouie. La vie, le temps passe vite. Soudain, à 25 ans, j'ai ressenti comme une urgence. Je devais faire des choix. J'ai eu peur de me dire à 40 ans que j'avais loupé ma vie en ne faisant pas quelque chose qui me satisfaisait totalement. Je me suis dit qu'il fallait que j'arrête de me cacher les yeux. Si je voulais être comédienne, il fallait y aller. Tout de suite. C'était plus fort que tout. Je devais arrêter d'avoir peur du regard des autres et des a priori.»
Prudente cependant, ne désirant pas s'exposer outre mesure, Sarah décide alors avec pragmatisme d'aller suivre des cours aux États-Unis et s'installe à Los Angeles dans la famille de son père. «Là-bas tout le monde veut faire du cinéma, même le serveur de la pizza du coin, c'est la chose la plus naturelle au monde.» Elle s'inscrit dans une des écoles de Lee Strasberg et apprend ses premiers textes en anglais. «Ce n'était pas si facile, je parle cette langue couramment mais quand même pas comme le français.» Mais elle se sent bien. Elle réalise qu'elle a du plaisir en donnant la réplique à d'autres. «Ça ne voulait pas dire que j'avais du talent, mais qu'au moins j'étais à l'aise. Quand on décide, on est seul au fond à faire des choix.» Côté familial d'ailleurs personne ne s'oppose à cette vocation, comme on lui avait laissé le choix de se lancer dans l'histoire de l'art. «En fait ce qui compte pour mon père et ma famille, c'est que je sois heureuse. Ils m'ont laissée me débattre. Si j'avais décidé d'aller élever des chèvres dans le Larzac ils m'auraient laissé faire.»
En rentrant à Paris tout va très vite. À peine s'est-elle trouvé un agent qu'on lui propose le rôle de Julie de Maupin librement inspiré du roman de Théophile Gautier. «Je m'étais juré de ne pas brûler les étapes. Mais ce rôle de femme rebelle et fougueuse sur les traces de ses origines, c'était très tentant. De plus comme elle, je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire !»
Mais pour le personnage, elle doit apprendre à porter des corsets féminins et des bottes de cavalière, monter à cheval, combattre à l'épée et chanter. Elle qui se dit peu sportive - «un peu de jogging par-ci par-là et un saut à l'élastique de 61 mètres en Normandie avec des copains», annonce-t-elle quand même fièrement -, ne recule devant rien. «Au moins ce tournage m'aura permis d'apprendre l'équitation avec Mario Lurashi et de connaître la griserie des chevauchées au galop.» Avec Michel Carriez, elle apprend aussi l'art de l'escrime, travaille sur la chorégraphie de sept combats. «L'escrime, c'est à la fois gracieux et ça permet d'évacuer la rage ou le stress que l'on peut avoir en soi.» Ses cours de chant n'en font pas non plus une artiste lyrique «mais j'ai appris à chanter autrement», ajoute-t-elle.
Pendant plusieurs semaines de préparation, Sarah se plie donc à une discipline rigoureuse. «Ce ne sont pas non plus mes expériences de danse classique quand j'avais 8 ans qui m'ont aidée, à l'époque, j'étais plutôt gauche», se souvient-elle. Sarah Biasini n'est décidément pas du genre à se flatter ou à déguiser la réalité. D'ailleurs quand on lui demande si, pour éviter les comparaisons évidentes avec sa mère, elle n'a pas eu envie, par exemple, de changer la couleur de ses cheveux, elle s'amuse franchement. «J'aurais pu. Mais je n'aime pas changer la nature des choses. Pour les besoins d'un rôle, je n'hésiterais pas, mais changer d'apparence pour aller contre la nature, ça ne me plaît pas. Si on est fait comme on est, c'est sans doute parce que c'est ça qui nous va le mieux !» Une philosophie originale qui va, c'est certain, à l'encontre de la mode actuelle.
Mais ce qui a été le plus difficile pour elle, reste évidemment l'interprétation. «C'est compliqué et magnifique à la fois. J'ai essayé de me fondre avec le personnage, de lui donner une humanité, de puiser dans mon expérience personnelle», explique-t-elle ajoutant que ses modèles d'actrice - en dehors de Romy - sont Juliette Binoche, Isabelle Huppert, Meryl Streep. «J'aime leur sincérité et leur simplicité.» Côté masculin, elle a adoré la grâce et la beauté de Jean Marais et de Gérard Philipe dans les films de cape et d'épée. «J'étais amoureuse», se souvient-elle. Elle admire aussi Alain Delon qui fit battre le coeur de sa mère. Elle cite "La Piscine", "Plein Soleil", "Monsieur Klein" surtout. Sait-elle si l'acteur a regardé sa prestation dans Julie de Maupin ? «Je ne sais pas, on ne se voit pas beaucoup. Mais j'aimerais avoir son avis ! Comme j'aimerais avoir celui de beaucoup de monde.»
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