Source : Théâtre contemporain.net - 24 septembre 2008
La pièce
C'est l'histoire d'une conversion. Celle d'une femme qui bascule presque malgré elle dans le monde du travail. A travers le prisme d'un institut de sondage, Personne ne voit la vidéo dissèque avec humour un système dépourvu de projet et de sens où chacun est à la fois agent et victime. Tout y est toujours objet d'échange : le temps, le langage, le plaisir, le sens. Pas de gratuité dans cet univers urbain de solitudes où les rencontres sont scénarisées et où semble exclue la possibilité d'une résistance. Cruellement drôle et musicale, l'écriture de Martin Crimp raconte les êtres poétiques que nous sommes, notre quête de sens et de bonheur dans une culture normée, nos rêves d'accomplissement...
Le travail est-il le moyen de faire taire la peur du vide qui menace chaque seconde de l'existence ? Si le monde est l'ensemble des objets durables qui résistent à l'érosion du temps, que deviendrions-nous dans un monde de cartons ? Il est rare de croiser une pièce qui parvienne à raconter le monde avec autant d'humour, de poésie et de brutalité. Personne ne voit la vidéo est au croisement exact de toutes ces contradictions : entre réalité et fantasme, intime et collectif, poésie et réel. Nous avons cherché le corps de ces êtres, l'expression de leur conditionnement, de leurs fantasmes et de leur perversité.
Linda Blanchet
Notes d’intention
«Tout ce qui touche la vie humaine, tout ce qui se maintient en relation avec elle, assume immédiatement le caractère de condition de l'existence humaine. C'est pourquoi les hommes, quoi qu'ils fassent, sont toujours des êtres conditionnés.»
Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne
Scénographie
Les personnages de Martin Crimp se rencontrent presque toujours dans des non-lieux (bars, motels, salles de conférences), c'est-à-dire des lieux qui ne sont ni identitaires, ni relationnels, ni historiques.
Des lieux de solitude et de similitude. Il nous a donc semblé essentiel de concevoir un espace qui permette de multiplier les moments de transit et de rencontres fugaces, un espace modulable où chacun serait constamment contraint de manipuler, de faire et de défaire son environnement.
Les notions de rythme, de répétition, et d'accumulation ont été les points de départ de notre travail.
La scénographie a été conçue uniquement à partir de cartons. L'uniformité de couleur, de forme et de matière de cet objet nous a permis de créer un espace architectural et géométrique aliénant. On est à la fois dans une ville ultra moderne, dans les allées d'un supermarché, dans un entrepôt de marchandises. Au commencement, les lignes sont rigides, géométriques, organisées. Petit à petit, les modules se déplacent, se déconstruisent faisant écho à la conversion de Liz. La vitrine centrale crée une fenêtre, un intérieur et un extérieur. Chacun y est tour à tour regardé et regardant. Il était important d'interroger la place du spectateur par rapport à ce dispositif. A la fois observateur et observé, il est totalement intégré dans cet univers.
Linda Blanchet, Lauréline Bergamasco
Autour du corps
Mon travail chorégraphique est un pont entre le théâtre et la danse contemporaine, mes deux formations. Je cherche à trouver un langage commun entre les deux, un point naturel de rencontre, de rupture, une double nourriture pour les interprètes et plusieurs niveaux de lecture pour le spectateur. Ce qui m'intéresse dans le mouvement, c'est celui qui le propose et le réalise. Je ne suis pas un faiseur de gestes, je ne veux pas imposer une vision unique, les interprètes sont mes matières premières, pas des exécutants.
En écho à la forme de Personne ne voit la vidéo, il nous a paru important que les corps des comédiens soient traités, sans pour autant les faire danser.
Tout le travail s'est basé sur l'individu et sur sa gestuelle personnelle.
Je les ai observé et mis en exergue leurs gestes fétiches, leur posture, leurs bégaiements corporels, en leur faisant prendre conscience du mouvement qu'ils proposaient, de son point de départ et d'arrivée. Ensuite, il fallait rythmer ce corps, l'accélérer, le ralentir, le dédoubler, l'élargir ou au contraire le resserrer, afin de trouver l'essence de cette gestuelle.
Michaël Allibert
Actuellement au Théâtre de la Criée (Marseille) - avec
Lila Aissaoui (Karen, Sally)
Michaël Allibert (Paul, Roger, John)
Sarah Biasini (Liz)
Maija Heiskanen (Jo)
Boris Le Roy (Colin)