Source : Critique Film - 15 juillet 2020
France : 1962
Titre original : –
Réalisateur : Alain Cavalier
Scénario : Alain Cavalier, Jean-Paul Rappeneau Acteurs : Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant, Henri Serre
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h44
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 7 septembre 1962
Date de sortie DVD/BR : 8 juillet 2020
Appartenant à un réseau politique clandestin, Clément s’aperçoit, à la suite de circonstances dramatiques, qu’il est trahi par son meilleur ami, Serge. Il fuit alors en compagnie de sa femme, Anne, dont il est épris et fort jaloux. Le couple se réfugie auprès d’un ami d’enfance…
Le film [4/5]
Cinéaste de l’intime, ayant développé au fil des années une approche unique et personnelle du cinéma, à la lisière de l’artisanat et du documentaire, Alain Cavalier ne tourne plus depuis plusieurs années qu’en indépendant, livrant de façon régulière des films inclassables et épurés, dégagés de toutes les contraintes narratives et formelles du cinéma dit «traditionnel». Cependant, ce virage dans sa carrière de cinéaste s’est opéré de façon progressive, et au fur et à mesure de l’évolution de son Art – durant les années 60, 70, 80 – Cavalier a tout de même concédé à tourner une poignée de films plus traditionnels dans leur approche de la narration cinématographique.Les liens entre le réel et la fiction, on pouvait les percevoir dès son premier film de cinéma, "Le combat dans l’île". En effet, si, presque soixante ans après sa sortie dans les salles, les liens du film avec l’actualité de l’époque (la guerre d’Algérie, l’OAS) pourront certes échapper au spectateur contemporain, il y a en revanche peu de chances que le discours de Cavalier soit passé inaperçu auprès du public en 1962 – le film rencontrerait d’ailleurs de nombreux problèmes avec la censure. Néanmoins, ce décalage temporel nous permet également aujourd’hui d’affirmer que si Le combat dans l’île comporte en effet de nombreuses références à l’Histoire récente de la France du début des années 60 – à commencer bien sûr par la Seconde Guerre Mondiale – ces détails ne constituent finalement qu’une façon de « contextualiser » ses personnages d’une façon réaliste, d’un point de vue géographique, économique, social et même philosophique. De façon à réellement donner une figure humaine à des personnages qui auraient facilement pu n’être que des caricatures, et se résumer à leurs bords politiques opposés, la fille du récit étant l’objet du désir à la fois d’un infâme mec de droite et d’un bon gars de gauche.
Parce qu’au-delà de l’aspect politique, ce qui semble avant tout intéresser Alain Cavalier, ce sont ses trois personnages centraux – Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant et Henri Serre – et l’étrange triangle amoureux qui se crée entre eux. Une histoire intime, forte, mettant en scène trois jeunes gens extrêmement différents, qui ont tous la particularité d’exister au-delà de leur fonction première mari / femme / amant. Anne (Romy Schneider) est ainsi décrite comme une femme ayant des aspirations artistiques intenses, mais ayant abandonné sa passion dans sa quête de confort matériel, que l’on comprend être liée à des temps probablement difficiles durant la guerre – ce qu’elle explique au détour d’un laïus consacré à Genève. En cherchant à se protéger dans le luxe, elle s’est étouffée elle-même dans une vie bourgeoise trop étriquée, pleine de normes et de règles de conduite qui ne lui conviennent pas. Au détour d’une longue séquence, Cavalier sous-entend également son attirance éventuelle pour la gent féminine, représentée par le personnage de l’ingénue Cécile (Diane Lepvrier). Paul (Henri Serre) est un homme de principes, refusant la violence, mais engagé, notamment dans les syndicats. Doux et ferme à la fois, il sait faire preuve de compréhension et accepte bon gré mal gré devant la libération de la parole et des mœurs féminines. C’est également un être meurtri, ne parvenant pas réellement à surmonter la disparition de sa femme. Ces deux personnages brisés vont finalement réussir à surmonter leurs démons grâce au personnage de Clément (Jean-Louis Trintignant), qui créera en eux le «déclic» nécessaire afin de s’accepter eux-mêmes, ne serait-ce que partiellement – l’une en renouant avec sa passion, l’autre en «ressuscitant» l’œuvre de sa défunte épouse. Plus qu’une finalité, leur couple pourra être vu comme un tremplin vers une autre vie, puisque si l’on considère que Paul aime toujours sa femme et qu’Anne préfère les femmes, aucun des deux ne se révèle au final comme réellement heureux. L’attitude d’Anne est d’ailleurs sans équivoque : durant la séquence des retrouvailles / confrontation avec Clément, elle cède presque à ses avances. De la même façon, elle ne considère pas son bébé avec Paul comme un «bébé de l’amour» mais simplement comme un cadeau de remerciements, parce qu’il a été gentil avec elle.
Là où Cavalier se fait plus politisé en revanche, c’est dans la description féroce qu’il propose du personnage de Clément justement, le seul à ne pas être présenté de façon sympathique. Son portrait est finement ciselé, réaliste, et par certains aspects, il s’avère touchant, et peut-être même un brin pathétique – mais jamais sympathique. Son attitude phallocrate et excessive, sa violence, même dans sa façon d’aborder l’intimité – et notamment les rapports sexuels… Tout en lui transpire les valeurs réactionnaires et patriarcales, même lorsqu’il fait le choix de s’opposer brutalement à son père en prenant la défense d’ouvriers grévistes. Membre d’une organisation d’extrême droite, il ne fait aucun doute pour le spectateur de l’époque que le personnage représente à l’écran les membres de l’OAS (Organisation Armée Secrète), et même plus largement de tous les mouvements de la droite dure armée de l’époque. Or, malgré son romantisme forcené, le personnage de Trintignant dans le film est clairement tourné en ridicule : il est en effet décrit comme un gamin capricieux, un fils à papa pourri-gâté, gosse de riche fasciné par la violence et cherchant à s’offrir le grand frisson. Emphatique dans ses propos, excessif dans ses réactions, il est présenté comme un sale gosse irresponsable, possessif et stupide, et n’atteindra jamais l’étoffe du héros tragique qu’il s’imagine sans doute avoir, mais simplement ramené à sa nature de terroriste. «Quel âge as-tu, douze ans ?» lui demande d’ailleurs le personnage d’Henri Serre au détour d’un dialogue. D’abord amusé, il cherchera à le protéger, comme un protège parfois un gamin contre lui-même. Il devra néanmoins se résoudre à lui infliger, dans la dernière bobine, la correction qu’il mérite. Et Le combat dans l’île de tourner en ridicule les mouvements d’extrême droite et leurs représentants, s’entrainant entre enfants gâtés dans des groupuscules camouflés en clubs de chasse, et qui mériteraient tous bien de se prendre une fessée cul nu.
Relativement sec dans sa façon d’amener le récit au spectateur, "Le combat dans l’île" n’en demeure pas moins un beau film, assez touchant, sur l’intériorité et la psychologie de ses personnages. Traversé par quelques fulgurances visuelles, tels que ces nombreux gros plans sur des détails, tels que les mains des personnages par exemple, qui en disent parfois plus qu’un long discours. Une inventivité formelle qui sert habilement le propos du film et la mélancolie de l’ensemble.
Le Blu-ray [4/5]
Il s’agit d’un véritable événement pour les cinéphiles français : "Le combat dans l’île" est maintenant disponible chez Gaumont en Haute-Définition, au sein d’une nouvelle vague de la collection «Blu-ray Découverte». Le film d’Alain Cavalier s’offre donc un lifting HD sur galette Blu-ray, et fidèle à ses excellentes habitudes, l’éditeur français a soigné sa copie : le film est présenté au format 1.66 respecté, en 1080p et dans un noir et blanc absolument flamboyant, et bénéficie donc, à l’image des autres titres disponibles au cœur de la collection depuis quelques années, d’une impressionnante cure de jouvence. Le piqué est globalement assez précis et le grain cinéma a été préservé avec soin : de quoi apprécier à sa juste valeur le travail sur la photo effectué par Pierre Lhomme. On ajoutera que l’ensemble s’avère d’une propreté et d’une stabilité étonnante : c’est du tout bon. Côté son, le film est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, qui s’impose comme clair et toujours parfaitement net. De la belle ouvrage.
Du côté des bonus, l’éditeur nous propose, outre la traditionnelle bande-annonce, un intéressant entretien avec Philippe Roger (38 minutes), au cœur duquel ce spécialiste de l’œuvre d’Alain Cavalier reviendra sur le parcours du cinéaste en général, sur Le combat dans l’île en particulier, et surtout sur les points communs qui unissent son œuvre à celles de Robert Bresson et de Jean Grémillon. Très intéressant !
11h50 dans En blu-ray !, Film-1961-Combat dans l'Ile | Lien permanent | Commentaires (0)
DVD - 1 disque
Studios : Gaumont
Langue : Français
Sous-titres ?
Bonus : ?
Sortie le : 1er avril 2020
Prix : ~ 15 euros
Disponible à la commande sur Amazon.fr
14h13 dans En DVD !, Film-1961-Combat dans l'Ile | Lien permanent | Commentaires (0)
Blu-Ray - 1 disque
Studios : Gaumont
Langue : Français
Sous-titres ?
Bonus : ?
Sortie le : 1er avril 2020
Prix : ~ 15 euros
Disponible à la commande sur Amazon.fr
05h37 dans En blu-ray !, Film-1961-Combat dans l'Ile | Lien permanent | Commentaires (0)
DVD - 1 disque
Studio : Pidax film media Ltd
Langues : Allemand, Français
Sous-titres : ?
Bonus : ?
Prix : ~ 16 euros
Sortie le : 28 octobre 2016
Disponible à la commande sur Amazon.de
12h03 dans En DVD !, Film-1961-Combat dans l'Ile | Lien permanent | Commentaires (1)
DVD - 1 disque
Region : Region 1 (U.S. et Canada
Studio : Zeitgeist Films
Sortie le 22 juin 2010
Prix : ~27 $
Langues : ?
Sous-titres : ?
Bonus : ?
Disponible sur Amazon.com
21h11 dans En DVD !, Film-1961-Combat dans l'Ile | Lien permanent | Commentaires (5)
NDLR : Cet extrait vous est présenté ci-dessous dans l'unique but de vous faire connaître le film et vous donner envie de le découvrir dans son intégralité par le biais des supports à votre disposition (DVD, diffusion TV...).
Par respect des droits liés à la diffusion d'une oeuvre, vous ne pourrez en découvrir, ici, que les premières 15 à 20 minutes.
02h17 dans Film-1961-Combat dans l'Ile, Movies-Romy | Lien permanent | Commentaires (2)
Le combat dans l’île
Depuis des années, on souhaite voir traiter au cinéma des sujets actuels. On demande aux scénaristes d’oublier leur habituelle sources d’inspiration (l’histoire, la littérature, policière ou non, la mythologie, la guerre… vingt ans après, etc) pour s’intéresser aux questions brûlantes, aux thèmes des conversations quotidiennes, de la «une» des journaux.
Or, voici que,pour son premier film, un cinéaste, Alain Cavalier (ancien assistant de Louis Malle), enfourche, si j’ose dire, le dada le plus actuel qui soit : la renaissance de certain fascisme. Et emprunte à peu près toutes les péripéties de son action à des faits divers de première grandeur. Bazooka, complots, attentats, règlements de comptes gauche-droite, exécutions sommaires, fuites en Amérique du Sud, identités d’emprunt, jouent sur l’écran toute la gamme. Et s’efforcent de donner au spectateur l’impression que ce «Combat dans l’île» se veut, d’abord et surtout, témoignage sur quelques-unes des réalités les plus affligeantes de ces derniers mois.
Parallèlement, d’ailleurs, notre astucieux débutant n’oublie jamais de faire référence aux plus solides traditions de l’écran. Frères ennemis en politique, les deux protagonistes s’entretuent finalement pour une femme. Et l’affichage de leurs idéaux respectifs masque un antagonisme beaucoup moins désintéressé. On pourrait même, en écartant un peu les canons des mitraillettes découvrir à ce combat des parentés cornéliennes et certains parallèle, imité de l’antique honneur et le bonheur. Sans même parler de faciles rapprochements avec les premiers romans de Malraux.
* * *
Donc, à priori, le thème de ce « Combat » était digne d’attention et de nature à combler l’attente d’un cinéma actuel. Beaucoup s’y sont laissé prendre. Au Festival de Cannes, ce printemps, on se repassait une « bonne » adresse : celle du cinéma de la rue d’Antibes où le film était projeté. Le temps me manqua pour me rendre dans l’île. Je viens donc seulement de découvrir Cavalier. Et ma surprise est aussi désagréable que grande. Car « Le combat dans l’île » pour actuel qu’il soit, me semble être surtout un film à peu près raté. Ces militants de droite ou de gauche, les uns noirs, les autres blancs, rlèvent d’un manichéisme naïf ou perfide (on ne sait trop) mais surement pas d’un observation objective sereine. Comme tout serait simple, si les bons étaient d’un seul côté ! Mais la sottise et l’intelligence, la fourberie et la sincérité se répartissent équitablement entre la gauche et la droite. Et je sais des fascistes, hélas, de tous les bords…
* * *
De plus, au plan technique, les éloges prodiguées au réalisation me surprennent plus encore. Ce film, relativement court (1 h 40), le traîne sous les yeux. Et quand le rythme s’accélère, c’est pour sombrer dans une loufoquerie qui manque singulièrement de tout comique autre qu’involontaire. Comment le "superviseur", Louis Malle, technicien avisé, n’a-t-il pas crié casse-cou, pour maintes scènes à son disciple ? Si la plupart des épisodes ont, en effet, des correspondances dans la réalité, la manière dont on les présente me semble dépourvue de la moindre crédibilité. Je songe à l’entraînement des commandos activistes ; au comportement du syndicaliste, à l’ultime duel, beaucoup plus proche d’un «grand jeu» stupide que d’un affrontement à l’échelle humaine. Dans l’hypothèse (peu vraisemblable heureusement) où «Le combat dan l’île» serait encore projeté dans vingt ans, les spectateurs à venir auraient une vision bien déformée de nos luttes.
Tout de même, je crois devoir porter à l’actif du jeune cinéaste deux qualités. D’abord, l’audace d’un thème qui pouvait, qui peut encore, lui valoir des ennuis. Ensuite, et surtout, certain romantisme, impropre au sujet traité, mais qui demeure sympathique et fera merveille au service de meilleurs causes. Enfin, les trois protagonistes du "Combat" (JL. Trintignant, Henri Serre et surtout Romy Schneider) parviennent souvent à donner l’illusion que leurs personnages ont de l’épaisseur et de la vérité. Ce qui n’est pas un mince mérite, même s’ils contribuent ainsi à certains indulgences trop peu raisonnables.
Jean Rochereau
07h37 dans Film-1961-Combat dans l'Ile, Les critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
Ce combat dans l’île qui nous concerne
Les cinq dernières années ont vu écore en ce pays des réalisateurs de genres fort divers : néoréalistes attardés, calligraphes balzaciens, dilettantes sexuels, impressionnistes chayevskiens et mystiques selon Hitchcock. Mais peu d’entre eux, en une époque troublée entre toutes, ont manifesté un quelconque intérêt pour les réalités politiques. Les plus désinvoltes de nos jeunes prodiges ont affiché leur indifférence totale à l’endroit des problèmes qui, disaient-ils, demeuraient du domaine exclusif des cinéastes d’extrème-gauche. Les plus hypocrites utilisèrent l’allusion politique comme un ingrédient de décor ou comme prétexte à une acrobatie irresponsable qui ressort tout juste du bluff mondain. Pour les critiques étrangers qui scrutent souvent avec ironie la production frivole de nos studios, Alain Cavalier, metteur en scène de trente ans, représentera plus authentiquement les obsessions de la jeunesse française contemporaine.
L’avertissement d’un jeune
Avec «Le combat dans l’île», pour la première fois voici sur l’écran le portrait sans retouche d’un jeune Français fasciste, c’est-à-dire de la réalité la plus pénible qui puisse se présenter aux jeunes gens de la génération «algérienne». Alain Cavalier, dans un témoignage passionné, mais sans haine, lance à ses compatriotes épris de parties fines et de danses nouvelles un avertissement d’autant plus sévère qu’il vient d’un jeune. Peu de films peuvent intéresser autant les lecteurs de ce journal. Un portrait psychologique de Clément, triste héros, est tracé par l’auteur bien avant que nous sachions qu’il milite dans un réseau secret d’extrème-droite et prépare l’assassinat d’un député de gauche. Ce portrait est d’une complexité, d’une finesse inattendue. Je ne vois aucun réalisateur parmi les aînés qui l’eut fait avec autant de subtilité. Clément est un adolescent définitif. Possessif et instable, il n’aime que ce qui lui appartient (sa femme, dont il est follement jaloux), proclame sa vocation antisociale : «Je n’ai plus de famille, plus de métier, plus d’argent : je suis un homme libre». Il est donc l’instrument rêvé des comploteurs, la vie idéales étant faite pour lui d’une éternelle série de fuites où, d’une ville à l’autre, il sera pris "en main" par des anonymes empressés qui le couvent et le manient (quitte ensuite à le rejeter). L’assassinat dont on le charge devient pour Clément une sorte d’ascèse. Il s’y prépare comme le chevalier à sa veille d’armes. L’achat d’une paire de gants acquiert le sens d’un rite. Le crime lui-même devient un acte sacré. Tout contact sexuel pendant qu’il s’y prépare lui est une gêne. Cavalier nous montre Clément tout attaché à une sorte de code puéril, où l’honneur joue à la petite guerre. Lorsque plus tard (et l’attentat manqué) les événements le rapprochent d’un ancien camarade de classe (qui, à sa grande surprise, se révèle libéral et syndicaliste), il se prévaut d’un «pacte du sang» qui les lia tout enfants et qu’au premier différend grave il voudra délier par le sang, dans un duel à mort.
Jean-Louis Trintignant incarne avec une rare intensité ce personnage qui n’est, hélas ! nouveau que dans les films français.
S’il a compris son personnage, s’il lui a donné une motivation caractérielle, Alain Cavalier ne l’a pas excusé. Par la bouche de Paul, l’imprimeur syndicaliste, il lui lance l’ultimatum des hommes de bonne volonté : détestant la violence, nous saurons, s’il le faut, vous tenir tête et vous réduire à l’impuissance. De Paul, joué par un Henri Serre à la fois digne et enjoué, Cavalier a fait l’élément positif de on film. Paul est du côté de la vie et de la tolérance. Sa maladresse sur le terrain des armes ne l’empêche pas de triompher dans le duel absurde que lui impose Clément et, méprisant le code périmé de la guerre, c’est au moyen d’une ruse de Sioux, peu régulière, qu’il abat son adversaire.
Alain Cavalier, qui a écrit son propre scénario, fut l’assistant de Louis Malle. Il nous révèle ici un tempérament nerveux et lyrique, au service d’une conscience de bonne trempe. Il pourrait être le Richard Brooks u cinéma français. IL lui reste peut-être encore à affermir les moyens, à dominer mieux les ressorts d’une intrigue parfois confuse. Il est le seul jeune réalisateur qui soit vraiment un témoin de son temps. C’est, au surplus un directeur d’acteurs comme nous en avons fort peu. De Trintignant, de Serre, il a tiré le meilleur. Et de Romy Schneider, centre et butin de ce «Combat», il a fait une comédienne accomplie, d’une radieuse féminité. «Le combat dans l’île» a été tourné il y a près d’un an, à un moment où rien n’était encore joué en France, ni en Algérie, et où les risques étaient réels. Son courage est fort éloquent. Il est celui d’une jeunesse dont les yeux se sont dessillés et qui avait d’urgence le droit à la parole.
Robert Benayoun
07h07 dans Film-1961-Combat dans l'Ile, Les critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
Le combat dans l’île (portrait d’un tueur fasciste…)
De tous les jeunes réalisateurs en activité, Alain Cavalier est le seul qui, pour son premier film de long-métrage, ose empoigner un sujet d’actualité. Et ce n’et pas un mince travail que de brosser le portrait d’un jeune fasciste qui s’engage dans le terrorisme par désoeuvrement mais ne se contente pas de tuer le temps. Il manie le bazooka, puis le revolver. Le jeune homme sentimental du début devient rapidement une jolie crapule.
Le héros, si j’ose dire, est le fils d’un gros patron qui embête son père par ses idées «sociales». Marié à une jeune et riche étrangère, il s’ennuie en compagnie de sa femme, plus évoluée que lui et s’en va le dimanche s’entraîner au milieu d’un groupe d’activistes dont les buts sont de viriliser l’Occident et de débarrasser le monde du communisme. Un beau jour, il est chargé d’une mission de «confiance» : descendre au bazooka un député de gauche. Mais l’attentat était «bidon». Le chef du commando voulais seulement « mouiller » le jeune homme pour faire pression sur son père.
Recherchés par la police, le peuso-assassin et sa femme vont se réfugier à la campagne chez un ami d’enfance, imprimeur de métier et syndicaliste militant. C’est là qu’il apprend, par la radio, que son chef l’a berné. Il jure de se venger et, laissant là son épouse, part courir le monde à la recherche du traître.
L’imprimeur et la jeune femme vont donc se connaître, puis s’apprécier, enfin s’aimer. Quand l’autre reviendra, ayant accompli en Argentine sa… mission, il provoquera son ex-ami dans un duel singulier que l’autre refusera, non par lâcheté, mais par principe. Et pourtant le duel aura lieu.
Certes, le récit n’est pas sans invraisemblance, ni hiatus et il est trop souvent conduit avec une presque touchante maladresse. Mais sous les conseils de son «superviseur» qualifié, Louis Malle, Cavalier traite son sujet avec un incontestable goût du beau, du travail bien fait et de l’image soignée. Qualité des décors naturels (le moulin d’Andé, déjà utilisé par Truffaut dans «Jules et Jim», les bords de Seine, la douce campagne, la lumière du soir ou le brouillard de l’aube), qualité aussi des interprètes, Romy Schneider, meilleure qu’elle ne le fut jamais, Jean-Louis Trintignant et Henri Serre, tout cela forme un ensemble esthétiquement honorable. Mais ce qu’il faut apprécier c’est le souci constant de ne pas détacher le drame imaginaire d’une actualité brûlante. C’est là que réside le plus grand mérite d’Alain Cavalier ; dans ces petites touches de vie habilement placées qui, d’une part nous expliquent le comportement du principal personnage (fasciste, il est naturellement raciste et consciemment odieux), et d’autre part nous introduisent dans le monde des assassins (leurs liaisons avec l’Internationale nazie, leurs méthodes, leurs mœurs). Enfin, la présence sur l’écran d’une manifestation antifasciste et de militants ouvriers sont des éléments à ne pas négliger. Il est significatif, par exemple, qu’au moment où le député visé par le bazooka veut lancer un appel sur les ondes d’Europe numéro 1, on lui coupe sèchement la parole.
On me dira que tout ça, ne va pas très loin, que l’OAS est traitée comme une organisation de boy-scouts excités et non comme une puissance politique dangereuse, qu’il y a ça et là des naïvetés désarmantes.
Mais au moment où le cinéma se réfugie de plus en plus dans l’art gratuit ou la métaphore imprécise, leu seul fait d’oser dire certaines choses doit être largement encouragé. Nous avons besoin d’un cinéma engagé à la place de nos guimauves métaphysiques et de nos jeux d’esprits brillants, mais vides
Samuel Lachize
07h02 dans Film-1961-Combat dans l'Ile, Les critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
Le combat dans l’île : l’amour et la politique
Alors que de nombreux films américains n’hésitent pas à prendre la vie politique yankee comme toile de fond, « Le combat dans l’île » est le premier film français qui montre très brièvement encore le climat politique de la vie français actuelle : entraînement d’activistes, préparation d’attentats, sporadiques manifestations fascistes et tentatives d’unité d’action des gens de gauche. Disons que l’on est heureusement surpris de voir un jeune réalisateur pour un premier film faire preuve de ce courage tranquille. Il est vrai qu’Alain Cavalier est aussi le scénariste de son film et là, il montre une maturité tout à fait inhabituelle chez un jeune réalisateur français.
Anne (Romy Schneider) est mariée à un fils de famille, Clément (Jean-Louis Trintignant), dont le caractère jaloux et possessif s’accorde parfaitement avec ses menées activistes. Il a obligé sa femme à renoncer à faire du théâtre. Son devoir est de s’ennuyer entre les quatre murs luxueux de son appartement tandis que lui s’entraîne au maniement du bazooka.
Un jour, elle part. Puis elle revient le soir où il commet un attentat. Ils sont obligés de se réfugier à la campagne. Un ami d’enfance de Clément les héberge. C’est un imprimeur, Paul (Henri Serre) dont les opinions politiques sont à l’opposé, diamétralement.
Clément est obligé de fuir. Anne demeure seule ; Paul lui fait découvrir un autre monde où la gentillesse et la délicatesse existent. Il l’amène à s’intéresser à son ancien métier. Elle remonte sur les planches. Une liaison s’et établie entre eux qui est devenue un véritable amour. Un jour, elle est enceinte. Il l’emmène en Suisse. Il ne dit rien. La seule chose qu’il ne veut pas c’est dire qu’il est d’accord pour ce voyage. A trente kilomètres de la frontière, elle prend sa décision ; elle garde cet enfant pour le donner à cet homme par amour. Le parcours est accompli. De femme objet elle est devenue femme libre, consciente d’elle-même et de ses responsabilités.
L’activiste meurtrier revient alors et malgré le refus réitéré de Paul, un combat imbécile au revolver a lieu dans une île. Clément y trouve la mort. Supervisé par Louis Malle, la réalisation d’Alain Cavalier est percutante, sans effets inutiles, quelques images du bonheur paisible sont saisies avec discrétion. Remarquablement joué par Trintignant et Serre, « Le combat dans l’île » révèle une très grande comédienne, un futur monstre sacré, Romy Schneider, bien éloignée maintenant des rôles rose-bonbon de Sissi.
« Le combat dans l’île » est un film neuf qui s’attache à décrire le comportement amoureux en fonctions d’options politiques. On comprend que certains seront irrités par cette vision mais il s’agit d’un film dont la lucidité est tonique.
Paule Sengissen
06h57 dans Film-1961-Combat dans l'Ile, Les critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
BOF du film "Le combat dans l'île"
Extrait issu du DVD.
Générique de début (1'26) :
Générique de fin (1'37) :
00h06 dans Film-1961-Combat dans l'Ile, Musique / Audio | Lien permanent | Commentaires (0)