Source : Le Figaro.fr - 04 janvier 2014
INTERVIEW - À l'occasion de la sortie du film de Nina Companeez, Le général du roi, l'auteur d'un remarquable essai, La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794, historien, directeur du Centre de recherches politiques Raymond Aron analyse les causes et les ressorts de cette guerre franco-française.
LE FIGARO. - Que fut la guerre de Vendée ?
Patrice GUENIFFEY. - Une guerre civile qui a fait, en un an et demi, jusqu'à 300.000 victimes, selon certaines estimations, dont 160.000 Vendéens: 30 % de la population du département de la Vendée militaire a été décimée. À l'origine, il y a un mouvement paysan spontané, type Notre-Dame-des-Landes. Les Vendéens se soulèvent en 1793 pour protester contre la conscription lancée par la Convention, à un moment crucial dans le calendrier agricole. Mais ce n'est pas la seule cause de cette insurrection. C'est également une révolte fiscale et une fronde contre le jacobinisme. Depuis 1792 et la Constitution civile du clergé, régnait déjà une atmosphère de guerre civile. L'idéologie révolutionnaire, qui prônait une régénération totale de la population, ajoutée au mépris social à l'égard de ces paysans et aux luttes d'influence entre les clans de la révolution ont produit ce crime.
LE FIGARO. - Certains vont jusqu'à parler d'un «génocide franco-français». Ces crimes à grande échelle ont-ils été planifiés?
Patrice GUENIFFEY. Ce n'est pas mon interprétation. Le pouvoir central n'a pas à proprement parler planifié ces crimes même s'il a signé des décrets incitant à la politique de la terre brûlée. L'idéologie révolutionnaire a littéralement déclaré la guerre à la société paysanne traditionnelle. Mais Paris a plutôt laissé faire les responsables locaux. Comme ces derniers avaient peur de se faire couper la tête, ils ont pris des mesures terribles, comme Carrier et ses sinistres noyades de Nantes. À l'époque, l'extrême gauche hébertiste fait de la surenchère et produit du danger dans la perspective de renverser le pouvoir.
LE FIGARO. - Deux cent vingt ans après, la guerre de Vendée est-elle encore un enjeu politique ?
Patrice GUENIFFEY. Les Vendéens ont gagné la bataille dans l'imaginaire collectif. Grâce notamment aux travaux de Pierre Chaunu, leur tragédie est reconnue. Mais cet événement reste un sujet sensible à gauche car cette famille politique a dû mal à reconnaître ses péchés, notamment ses passions totalitaires. Ce qui est vrai pour la Vendée l'est aussi pour l'Union soviétique.
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